Bonjour,
Nous voici replongés dans le confinement. Le mur de l’incertitude augmentée revient hanter le quotidien d’innombrables dirigeants d’entreprise : comment gérer le stress accru, le sien et celui de ses collaborateurs ? Comment assurer la trésorerie, les commandes, le paiement des factures et de salaires ? Comment essayer de se projeter quand on peut prévoir que ce confinement n’est peut-être pas le dernier, puisqu’on ne cesse de se faire surprendre par ce virus ? Il n’y a aucune solution simple.
J’ai eu l’occasion d’échanger avec beaucoup de dirigeants de PME ces derniers mois sur ces sujets et ce qui ressort systématiquement pour les plus sereins d’entre eux (outre des finances saines), c’est la clarté du projet et la culture d’entreprise. Plus le projet d’entreprise est clair et partagé en interne et plus la culture d’entreprise est inclusive, plus ces éléments catalyseront les énergies de toutes et tous dans la même direction, celle d’encaisser les coups de butoir de la crise et d’avancer ensemble pour faire réussir le projet de l’entreprise.
Intrinsèquement, une situation de crise met sous tension une organisation parfois de manière extrêmement aiguë. Alors, aucun label, raison d’être ou statut ne sont nécessaires pour que le collectif veuille agir de concert au profit de l’entreprise. L’essentiel se trouve dans l’importance porté au capital humain. Plus une dirigeant considérera ses collaborateurs comme la première richesse de l’entreprise, plus il pourra compter sur eux en période de crise. La loyauté et l’engagement des équipes ne sont pas acquis par le versement du salaire à la fin du mois. On en revient à la genèse de l’entreprise moderne comme un projet éminemment social, pas que capitalistique.
Dans ce contexte, le travail nécessaire pour définir et être en adéquation avec sa raison d’être ou maintenir l’esprit du label B Corp sont autant de leviers sur lesquels une entreprise peut s’appuyer pour resserrer les rangs face au périple. Le deuxième confinement commence. Il sera différent du premier et du/des prochain/s, mais tous se ressembleront : les collaborateurs et les clients vont attendre beaucoup des entreprises pour assurer le lien social et jouer un rôle dans cette société en mouvement pour les premiers et être capable de fournir des produits ou services de qualité qui participent d’une dynamique positive pour les seconds. Même en B2B, la logique de partenariat, de soutien et d’entraide est de plus en plus recherchée. Cela n’empêche pas la concurrence et la volonté de faire du profit, mais de plus en plus (et parfois bien trop lentement), il est attendu par toutes les entreprises qu’elles jouent un rôle, qu’il leur revient de définir, qui dépasse celui de simplement faire des “bons produits”.
C’est là toute la force d’une mission ou d’une raison d’être : elle dépasse l’entreprise qui l’adopte pour embarquer toutes ses parties prenantes. C’est une logique collective, inclusive et forcément bénéfique !
C’était mon petit édito de reconfinement. Voici le sommaire de la semaine :
Tellement d’annonces d’entreprises à mission que ça fait plaisir à lire
Hyper attractivité des entreprises à mission
Et si on faisait évoluer le statut
Du côté des entreprises
Face à la morosité du confinement, saluons cette pluie d’annonces ! En l’espace de deux semaines, c’est un bond significatif du nombre d’entreprises à mission, autour d’une vingtaine aujourd’hui.
LONGUE VIE. La coopérative InVivo a adopté le statut de société à mission. Le groupe compte 5500 collaborateurs et pèse 5,2 milliards d’euros de chiffres d’affaires. Cette démarche s’applique au groupe et bientôt à ses filiales. Elle vient couronner la volonté de la coopérative d’être à la pointe de la transition agricole et alimentaire auquel le secteur agroalimentaire fait face aujourd’hui.
ENFIN UN BON CUMUL DES MANDATS. On a tellement pris l’habitude de voir les cumulards comme des gens qui abusent du système ou qui veulent être au centre de tout qu’on a presque oublié à quoi pouvait ressembler un bon cumul ! L’ESN Norsys est pourtant l’illustration de ce bon cumul. Déjà labellisée B Corp, l’entreprise vient d’adopter le statut de société à mission et de définir sa raison d’être dans le même temps - preuve qu’on peut tout faire d’un coup pour les plus audacieux et surtout déjà convaincus.
L’ETI lilloise définit sa raison d’être ainsi : “concevoir avec une préoccupation humaine et éthique des usages du numérique efficaces afin de contribuer à une évolution positive du monde”.
C’EST UN ÉVÉNEMENT. L’agence d’événementiel Au-delà a, elle aussi, adopté le statut de société à mission. Le contexte n’est probablement pas faste en ce moment, mais cette détermination à aller dans cette voie malgré la crise qui impacte fortement ce secteur vient appuyer mon édito. La force du collectif transcendera presque tout si les efforts sont réels, concrets et soutenus. Leur mission : “Sensibiliser notre écosystème au juste équilibre social et environnemental en intégrant dans notre activité événementielle nos convictions, nos engagements et nos actions solidaires”.
CE N’EST PAS UN JOUET. Encore une autre annonce avec BioViva, PME spécialisée dans la conception de jouets pour enfants. L’entreprise créée il y a 24 ans fait aujourd’hui 4,5 millions d’euros de chiffres d’affaires. Elle s’est focalisée de longue date sur le made in France et l’éco-conception. Sa mission le prouve encore : “Concevoir, pour le plus grand nombre, des produits et services éducatifs innovants, positifs et bienveillants, basés sur le plaisir d’apprendre, afin de favoriser l’éveil des consciences et l’amélioration des relations à Soi, aux Autres et au Monde”. L’article détaille également tous les engagements de l’entreprise en matière environnementale, sociale, sociétale et économique.
UNE MISSION MUTUELLE. Et finissons ces annonces avec le Crédit Mutuel Alliance Fédérale, la principale membrane du Crédit Mutuel. Il devient en effet entreprise à mission. Mais presque en catimini. J’ai trouvé très peu d’infos ouvertes sur le sujet. Les statuts ont été modifiés le 12 octobre, comme l’a annoncé Nicolas Théry, son président, dans un entretien au Journal du dimanche. Cette annonce s’inscrit dans un plan de transformation ambitieux de la banque : gros nettoyage du portefeuille pour le rendre le plus éco-compatible possible (énorme chantier…), nouvelles pratiques internes dans l’évaluation des dossiers etc. L’objectif affiché de l’adoption du statut : “C'est l'outil qui va nous aider à ouvrir un dialogue responsable avec nos clients pour les inciter à changer leur modèle d'affaires”. A suivre…
ET TOUJOURS VEJA. Vous connaissez forcément la marque, mais connaissez-vous son histoire, ses valeurs, son business model ? Non, alors regardez l’intervention de sa PDG Laure Browne au Hub Forum.
L’ATTRACTIVITE DES ENTREPRISES A MISSION. On ne peut pas faire plus clair : le site Cadremploi recense les offres d’emploi actuelles ou envisagées dans les entreprises à mission en les présentant comme des sortes de sésames vers un horizon plein de sens. Le site recense 200 offres dans ces sociétés !
Citation de la semaine
“Pour moi, imaginer que l’entreprise serait un îlot de prospérité au milieu d’une société qui subirait des évolutions, des transformations ou des drames, est une idée totalement obsolète. Ce questionnement n’est pas nouveau, il date presque de la création même de la forme d’entreprise moderne au XIXe siècle ! Sans remonter aussi loin, on convoque à intervalle régulier l’entreprise pour s’engager : à l’image de la vague du développement durable dans les années 80, puis la vague RSE au tournant des années 2000. Aujourd’hui, on parle des entreprises à mission, de la loi Pacte. À mon sens, la question n’est donc pas le rôle de l’entreprise dans la société, mais le pourquoi de son éternel retour – comme s’il était impossible de tenir une position dans le temps. La question se pose donc : comment faire perdurer l’engagement d’une entreprise qui se veut socialement responsable ?”
(Adrien Couret, DG de la Macif dans un entretien pour L’ADN)
Du côté des idées
FAIRE EVOLUER LE STATUT. Continuons avec Adrien Couret qui suggère des évolutions du statut de société à mission dans une tribune au Monde. Il formule trois propositions qui pourraient compléter le statut :
Ouvrir les conseils d’administration à des représentants de la société civile, contributeurs et bénéficiaires de l’activité de l’entreprise.
Evaluer les dirigeants d’entreprise, en plus des critères économiques habituels, sur des objectifs extra-financiers, dont leur rémunération dépendrait également.
Appliquer une exigence renforcée sur la façon de co-construire la mission et la raison d’être d’une entreprise.
En soi, rien n’interdit une entreprise - à mission ou pas - de mettre en oeuvre ces propositions. Le statut dans la loi est très peu explicite sur les obligations qui incombent à l’entreprise, en dehors de la modification des statuts et l’évaluation par un organisme tiers indépendant de la conformité entre mission et réalité. Pas certain qu’une modification de la loi PACTE soit déjà à l’étude, mais si jamais cela devait se faire, il est certain qu’étoffer le texte pourrait être utile sans le rendre non plus trop uniformisant.
LA RAISON D’ETRE TIENT SA REVANCHE. Pour Abdelmalek Alaoui, la pandémie donne aux partisans de la raison d’être des entreprises une belle revanche pour un sujet qui était devenu has been aux yeux de la grande majorité. Point de vue intéressant dans son papier pour La Tribune.
Mon titre de la semaine
Nouvelle rubrique juste parce que ! Très d’actualité malheureusement, mais un titre qui fait bouger !
C’est tout pour cette semaine. Gardons le cap ! Et serrons-nous les coudes. La solution viendra de notre mobilisation et de notre résilience. Bonne semaine et comme d’habitude, vos likes, messages, partages sont très bienvenus.
Merci beaucoup, prenez soin de vous et à vendredi prochain,
Vivien.