#158 Société à mission: les évolutions de l'audit
Chères lectrices, chers lecteurs,
Bienvenue dans la 158e missive de votre newsletter dédiée aux responsabilités d’entreprise. Avant de se lancer dans le contenu, j’ai quelques annonces à vous faire :
Le rythme de la newsletter va changer jusqu’à l’été. Il n’y aura plus de nouveau décryptage (il en reste un dernier) et les missives seront envoyés toutes les deux semaines. Pourquoi ? Eh bien, parce que je vais vous faire une confidence : je suis dans la rédaction d’un ouvrage sur la société à mission ! Autant dire que c’est une aventure chronophage. Entre les missions de conseil, la newsletter, le podcast et l’ouvrage, j’ai dû prioriser…
Ce sera quoi ce livre ? Les ouvrages sur la société à mission sont rares et commencent à dater. L’objectif sera de traiter de manière didactique et pratique toutes les questions que j’entends fréquemment (ou pas assez souvent). Il y aura des rappels, des conseils, des retours d’expérience, des témoignages. Je vais m’évertuer à faire un ouvrage vivant et utile.
Pour qui ? Avant tout pour les entreprises en réflexion ou en chemin. Mais, cela pourra également servir comme outil de communication interne pour des entreprises qui veulent mieux faire connaître la société à mission à leurs équipes. Evidemment, le contenu pourra également être utile à tout l’écosystème d’accompagnement des entreprises : consultants, experts comptables, avocats, conseillers CCI, agences de développement économique etc.
Pour quand ? La publication est prévue pour la rentrée. D’où la décision de modifier le rythme de publication.
Chez qui ? L’ouvrage sortira aux éditions Content A. Ceux qui connaissent comprendront que c’est un éditeur de choix pour ce type d’ouvrage et pour les autres, je vous laisse découvrir les ouvrages déjà publiés.
Je suis très excité par ce projet même si avouons-le, c’est un sacré défi ! Si vous avez des conseils ou des attentes à me partager, si vous souhaitez en savoir plus, si vous voulez déjà pré-commander des ouvrages pour vous, vos équipes et/ou votre comité de mission (soyons fous !) ou si vous souhaitez partager votre expérience de société à mission pour nourrir ma réflexion (même en off), vraiment n’hésitez pas à me contacter.
Le 16 mai prochain aura lieu le Congrès français et européen des sociétés à mission. Une journée entière dédiée au sujet avec des interventions, des tables rondes, des ateliers et des lieux de rencontre. Ca se déroulera à la Mutualité à Paris. Pour en savoir plus et prendre vos billets, c’est par ici. J’aurai le plaisir d’intervenir à cette occasion.
Petite auto-promo pour finir suite à la parution d’un article de Béatrice Héraud dans Youmatter sur le dernier baromètre des sociétés à mission. Elle a eu la gentillesse de m’interroger. Vous verrez, je suis un peu poil à gratter…
Passons au sommaire :
💭 Qu’est-ce qui va changer dans l’audit de société à mission ?
💪 Un nouvel élan dans la politique RSE passe souvent par un changement en interne
👨👩👧👦 Un partenariat plein de sens entre Mustela et Bioviva
🐟 Le poisson d’avril qui a en eu plus d’un (et qui nécessite une clarification)
🚣♂️ La RSE reste encore pas très claire pour les salariés
🧠 Un peu plus de jus de crâne avec la lettre annuelle de Larry Fink, les musées face au changement climatique, et les voix d’opposition à la CSDDD
🎧 Mon son de la semaine : Louis-Jean Cormier - Si tu reviens
Bonne lecture, à dévorer ou à picorer !
Direction le Québec cette semaine avec Louis-Jean Cormier pour une balade qui me rappelle beaucoup Beirut pour ceux qui connaissent. C’est poétique, mélancolique. Un beau moment.
Je vous ai parlé de la sortie d’un nouveau guide de la Communauté des entreprises à mission concernant la vérification par les OTI. Cette deuxième version se nourrit de l’expérience des centaines de premiers audits réalisés. Des modifications sont encore envisageables, donc à ce stade, tout n’est pas gravé dans le marbre, mais cela montre la direction prise.
Je vous partage quelques changements assez significatifs entre les deux versions :
L’OTI sera plus regardant sur la cohérence de la mission, pas seulement entre la raison d’être et les objectifs statutaires, mais également entre la mission et l’activité de l’entreprise. Ce second point est plus nouveau, car jusqu’à présent, ce n’était pas un aspect que tous les auditeurs analysaient. Point important, cela ne veut pas dire que les auditeurs porteront un jugement sur la qualité ou la profondeur de la mission.
Le rôle du comité de mission sera davantage scruté lorsqu’il y en a un. Il l’était déjà sollicité avant, mais son fonctionnement et son engagement dans la supervision de la mission seront plus pris en compte.
Le guide évoque peu le sujet des référents de mission. Toutefois, le référent de mission ne peut pas être le dirigeant, car il est considéré comme un “organe social” (ce qui est contraire à la loi), à moins bien sûr qu’il n’y ait pas de salarié… Dans ce cas, il est préférable, dans la mesure du possible, que le référent de mission soit externe à l’entreprise.
L’arbre de décision conduisant l’OTI à statuer sur le respect des objectifs a évolué de manière assez importante.
Si l’entité n’a pas déterminé d’indicateurs pour atteindre son objectif statutaire ou opérationnel et que le comité de mission n’a pas caractérisé sa pertinence, on arrive directement à une impossibilité de conclure. Cela n’était pas prévu jusqu’à présent. Cela plaide vraiment en faveur d’un travail de déclinaison opérationnelle et d’un rôle actif du comité de mission dans la validation d’un modèle de mission.
Si un seul objectif opérationnel au sein d’un objectif statutaire n’est pas atteint, mais que des moyens ont été mis en œuvre pour l’atteindre, l’OTI peut établir une impossibilité de conclure sur le respect de l’objectif. Aujourd’hui, l’objectif statutaire est normalement considéré comme non respecté. En revanche, si cela persiste lors de la vérification suivante, l’objectif statutaire sera considéré comme non respecté.
Si les résultats d’un objectif statutaire sont atteints, mais que l’entreprise n’a pas mis en œuvre de moyens adéquats, l’OTI peut considérer qu’il est dans l’impossibilité de conclure au respect de l’objectif. Si cela se reproduit lors de la vérification suivante, l’objectif sera considéré comme non respecté, même si les résultats sont atteints.
Si des circonstances extérieures viennent justifier la non-atteinte de certains résultats, mais que l’ambition de l’objectif a été validé par le comité de mission et que des moyens adéquats ont été mobilisés, alors l’OTI peut conclure que l’objectif a été atteint.
Ces trois derniers points prennent en compte des sujets qui sont beaucoup remontés concernant le niveau d’ambition des objectifs. Aujourd’hui, il y a un nivellement vers le bas : il vaut mieux viser bas et atteindre ses objectifs même en faisant peu pour avoir un audit positif plutôt que d’être ambitieux et de viser haut quitte à potentiellement ne pas atteindre tous les objectifs et à risquer un audit mitigé, voire contenant des conclusions négatives.
Cela correspond aussi plus à l’esprit de la société à mission, à savoir chercher à progresser, pas simplement continuer de faire ce qu’on fait juste pour avoir le tampon.
Dans la même veine, le guide précise quelques aspects sur le choix des objectifs et le type d’indicateurs.
Il est conseillé d’avoir un modèle de mission constitué uniquement des objectifs opérationnels vraiment utiles à l’atteinte de l’objectif statutaire. Pas la peine de faire une liste à la Prévert, ni de détailler toutes les actions menées. Cela sera fait sur des documents à part. Le modèle de mission est un fichier de synthèse.
Le guide rappelle qu’il n’y a aucune obligation à n’avoir que des objectifs quantitatifs. Cela dépend souvent du niveau de maturité de l’action lancée. Si elle est très exploratoire, le lancement d’un projet peut être suffisant dans un premier temps. L’idée est d’aller progressivement vers des mesures de preuve quantitatives, mais cela n’est pas un prérequis.
Lorsque vous vous fixez des objectifs ambitieux (parce qu’ils sont élevés ou qu’ils prendront longtemps avant d’être atteints), vous pouvez établir des fourchettes de valeurs à atteindre et des objectifs intermédiaires quand la trajectoire est lointaine. Idéalement, pensez-les en fonction des audits. Autrement dit, si vous estimez que l’atteinte d’un objectif prendra 5 ans, les auditeurs seront dans l’incapacité de savoir si vous êtes sur la bonne trajectoire ou si les moyens adéquats sont mobilisés.
Dans l’ensemble, cette deuxième version cherche à rappeler l’esprit originel de la société à mission : soyez ambitieux et utilisez ce cadre pour progresser continuellement, pas juste pour faire valider ce que vous faites déjà bien. Comme je le dis souvent, la société à mission est un cadre de progrès, pas un label de vertu.
Voici quelques préconisations tout à fait personnelles :
A qui est-il destiné ? Aux entreprises déjà sociétés à mission ou qui sont bien avancées dans leurs réflexions, aux managers de mission, aux membres de comité de mission pour mieux comprendre la mécanique et aux consultants.
A qui n’est-il pas destiné ? Aux entreprises qui s’interrogent sur la société à mission et à celles qui sont en début de parcours. Le contenu est trop ésotérique et pourrai limiter le cadre de pensée.
💪 Une nouvelle gouvernance signale souvent une nouvelle dynamique en matière de RSE
Dans un entretien à Batinfo.com, le PDG du groupe ACIEO, expert du clos-couvert et bâtisseur d'ouvrages en charpente, revient sur les différentes évolutions au sein de l’entreprise et notamment les conséquences de la nouvelle gouvernance.
Suite au départ à la retraite d’actionnaires historiques, la composition capitalistique est resté en interne avec l’arrivée de nouveaux associés en plus d’une société de cadres. Le groupe privilégie en effet un actionnariat interne.
Ce changement s’accompagne d’une nouvelle gouvernance interne et surtout en axant les investissements sur les aspects RSE. Cela s’inscrit dans le cadre d’un plan initié il y a deux ans, “Cap 2030”. L’ETI prévoit d’investir 10 millions d’euros sur les 6 prochaines années pour des projets, notamment dans l’isolation des bâtiments.
Parallèlement, l’entreprise va chercher à se développer sur de nouvelles activités, liées à la rénovation, dont certaines pour se positionner sur des marchés liés à la réglementation sur le ZAN (zéro artificialisation nette).
Mon avis : j’évoque cette entreprise, car cela me rappelle une étude de Bpifrance Le Lab sur laquelle j’avais travaillé il y a quelques années. On observait que la prise en compte des enjeux RSE s’accélérait à l’arrivée de nouveaux dirigeants ou de personnes clés dans l’entreprise. C’est effectivement quelque chose que j’observe assez fréquemment et c’est compréhensible. Même si des actions peuvent exister, cette spirale positive s’accélère quand un regain d’énergie arrive.
Je constate encore beaucoup d’entreprises qui ont peu ou pas lancé de démarche RSE au-delà d’actions éparses. Une refonte organisationnelle ou du “sang neuf” peut apporter le nouvel élan recherché.
👨👩👧👦 Un partenariat plein de bon sens entre Mustela et Bioviva
Vous le savez : je crois BEAUCOUP aux partenariats. Aujourd’hui, je vais en mettre un en avant qui peut surprendre au premier abord entre Mustela, qui fabrique des produits de soin à destination des bébés et des mères, et Bioviva, fabriquant de jeux en bois.
Pour tout achat supérieur à 69€ chez Mustela, vous recevez le jeu Bioviva Junior, qui permet de se familiariser avec la nature. La marque veut accompagner les parents dans toutes les étapes de la parentalité et ils estiment qu’ils peuvent les aider dans la sensibilisation des enfants à la nature et au besoin de la protéger. Pas forcément simple quand on est une marque de soins.
D’où ce rapprochement avec Bioviva. Le jeu existe déjà et la cible est la même : les enfants.
Quand on pense à des partenariats, on réfléchit souvent dans son secteur ou avec des acteurs géographiquement proches. Pourtant, un des leviers les plus puissants de partenariat, ce sont les clients ou les utilisateurs. C’est encore plus fort quand cela s’intègre à sa mission (Mustela, via les Laboratoires Expanscience, et Bioviva sont des sociétés à mission).
Cela demande plus de créativité, voire d’ingéniosité. Mais, cela procure également plus de sens aux partenariats pour vos clients, mais également pour vos équipes.
Quelqu’un a eu la bonne idée de vous transférer cette missive ? Déjà merci à cette personne !
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🧠 Un peu plus de jus de crâne
Larry Fink, le patron très influent de Blackrock, sort sa lettre annuelle. Cette année, il met l’accent sur les retraites. Pour le reste, il conserve son mantra qu’il avait réussi à cacher pendant quelques temps : on est vertueux seulement si nos clients nous demandent de l’être…
Papier passionnant dans Grist qui explique pourquoi et comment les musées sont obligés de s’adapter face au changement climatique pour protéger leurs artefacts.
Pour comprendre le point de vue de ceux qui critiquent le devoir de vigilance européen, Emmanuel Millard les résume dans une tribune aux Echos.
🐟 Le poisson d’avril qui en a convaincu plus d’un
Marie Sabadie-Benoit n’avait pas du tout anticipé que son post LinkedIn du 1er avril allait prendre cette tournure. Bien connue dans le milieu de la société à mission en tant qu’auditrice, elle écrivait lundi matin qu’un nouveau décret demandait aux entreprises à mission d’intégrer “un dirigeant non-engagé” dans le comité de mission.
Le ton était sérieux, factuel. A part l’illustration de poissons nageant dans l’eau, on aurait presque pu y croire. Cela paraissait absurde, mais on avait bien pire…
Mais, à la lumière de certains commentaires, et de questions que Marie, et même moi avons eues, je précise donc : c’était un poisson d’avril. Aucun décret ne demande d’intégrer des dirigeants non-engagés. Cela ne vous empêche pas de le faire bien sûr 😉.
🚣♂️ Il y a encore des efforts à faire sur la RSE
Une enquête d’Ifop pour Diot Siaci montre que la connaissance de la RSE par les salariés progresse peu. 29% savent précisément de quoi il s’agit. 33% en ont entendu parler sans savoir vraiment ce que c’est. Je n’ai pas comparé à d’autres sondages, mais cela me paraît assez concordant avec ce que j’ai en tête.
Les domaine de la RSE les plus plébiscités par les salariés sont l’environnement et les relations et conditions de travail, sans grande surprise. En revanche, parmi les priorités de l’entreprise, la dimension RSE, en spécifiant les sujets environnementaux, arrivent bien loin derrière des thématiques sociales.
Parmi les autres sujets, un a particulièrement attiré mon attention. Pourquoi les entreprises lancent-elles des démarches RSE ? En résumé : la contrainte et faire bonne impression. La notion de conviction arrive très loin ! Et ne parlons pas de la politique RSE pour booster la marque employeur, bon dernier…
Mais, cela ne veut pas dire que les salariés ont l’impression que leurs entreprises font le strict minimum. 84% de ceux dont l’entreprise a une démarche RSE considèrent que leurs organisations sont à l’écoute des propositions, voire proactive. C’est encourageant ! Il faut juste que la RSE soit plus portée et plus profonde…
Et pourquoi ne pas partager ce post ou une des infos sur LinkedIn ou un autre réseau ? Cela permettrait de faire découvrir la newsletter à de nouveaux lecteurs et me donnerait un sacré coup de main ! Merci beaucoup !
C’est terminé pour aujourd’hui. Si cette missive vous a plu, je vous invite à appuyer sur le ❤️. Cela m’encourage !
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A mercredi juste pour le décryptage,
Vivien.