#153 La collaboration interne, une ambition de long terme
Comme en témoigne un dirigeant ; également les collectifs de salariés ; nouvel épisode de podcast ; la semaine de 4 jours ; soutien aux politiques pro-climat et bien d'autres choses
Chères lectrices, chers lecteurs,
Bienvenue dans cette 153e missive. C’est le chassé-croisé des vacances scolaires, mais c’est toujours un bon moment pour parler de responsabilités d’entreprise.
Allez, c’est parti pour le sommaire en mode bandeaux :
💭 Edito : intégrer la collaboration dans son organisation est un engagement de long terme, comme le montre le témoignage d’un dirigeant
📅 Une expérience britannique sur la semaine de 4 jours montre des résultats de satisfaction probants
🧠 Un peu plus de jus de crâne avec l’ouverture des candidatures pour les Positive Awards ; le désamour entre scientifiques et gouvernement sur l’environnement ; la nature comme nouvel eldorado financiarisé ; Shein démodé ; et l’importance de la transparence dans sa culture d’entreprise.
🎧 Mon son de la semaine : Editors - Open Your Arms
Bonne lecture à dévorer ou à picorer !
P.S. : je teste une nouvelle fonctionnalité. Vous pouvez accéder directement aux éléments qui vous intéressent en cliquant dessus dans le sommaire. Sachez que cela vous renvoie sur le site de la newsletter (pas le choix malheureusement). N’hésitez pas à me dire ce que vous pensez de cette option pour améliorer la navigation.
A la faveur du hasard, je me suis replongé dans le premier album d’Editors sorti en 2005. J’adulais ce groupe à l’époque : cet opus était miraculeux ! Une cold wave vibrante et ensorcelante ! 20 ans plus tard, l’effet est toujours similaire. J’aurais pu sélectionner un des tubes du groupe, mais je préfère mettre en avant un morceau moins connu mais un des plus pénétrants, “Open Your Arms”.
Je viens de terminer A vivre et à rêver. Une réussite entrepreneuriale en mode collaboratif d’Antoine Raymond, co-gérant de l’entreprise familiale ARaymond. L’ouvrage est sorti il y a quelques années, mais je me le suis procuré l’année dernière lors de Produrable (ça me permet de saluer la bonne idée d’inviter de bons libraires pour mettre en avant des ouvrages sur la responsabilité d’entreprise —on y trouve souvent de jolies pépites).
Un élément m’a particulièrement intéressé dans le regard que ce dirigeant porte sur son parcours : le temps et les efforts nécessaires pour faire changer des habitudes.
ARaymond est une entreprise industrielle de quelques milliers de collaborateurs implantée dans une vingtaine de pays dans le monde. Elle s’est étendue autant par croissance externe que pour suivre des clients. La logique a toujours été de donner beaucoup de latitude et d’autonomie à chaque site au point parfois que des baronnies ne s’érigent, selon l’expression de l’auteur. Autant dire que la logique de groupe n’était pas limpide pour tout le monde…
Historiquement, le management directif et hiérarchique était la norme. C’était le cas sur le site historique et c’était également prôné par les prédécesseurs d’Antoine Raymond.
Mais, lui voulait faire les choses autrement : plus de collaboration et la mise en place des principes du servant leadership. Les deux ont demandé énormément d’énergie et de persuasion.
Le premier point a été long à mettre en œuvre, car l’autonomie de chaque site ne facilitait pas la collaboration. Il a notamment lancé une organisation transverse avec des équipes qui travaillaient avec différents sites, sur l’innovation par exemple. Leur légitimité a pris des années avant d’être acceptée. C’est à la force d’initiatives multiples (dont la mise en place d’instances de gouvernance collaboratives), de persuasion et de temps que les choses ont changé. Cela reste tout de même un équilibre qu’il faut surveiller comme le lait sur le feu.
Les principes de servant leadership ont également patiné pendant longtemps. Pour être schématique, on renverse la pyramide : plutôt que de manager par la direction, les managers sont là pour donner aux équipes tous les moyens pour réussir (pour plus de détails, je vous renvoie par exemple à cet article sur le sujet dans la HBR France).
Il y a eu beaucoup de résistance de la part des managers en place, qui craignaient de perdre leurs prérogatives. C’est effectivement un changement de posture fondamental. Il a donc fallu organiser des formations et du suivi pour les accompagner. Tous les collaborateurs n’étaient pas forcément partants, car tout le monde ne recherche pas instinctivement plus d’autonomie et de responsabilité. Autre souci : des disparités culturelles. Il est fréquent que le servant leadership soit perçu comme un management mou et gentil, ce que l’auteur réfute. Il est plus à l’écoute des besoins de l’équipe, mais il est “fort et juste”.
Dans certains contextes, c’est bien difficile à faire comprendre. Il relate par exemple un échange assez caustique avec les équipes russes qui lui explique qu’en Russie, le servant leadership est incompatible avec la culture locale, car c’est l’autorité ferme qui est attendue.
Mais, il a tenu, expliqué, ré-expliqué, accompagné.
Je retire quelques leçons de cet ouvrage :
Changer des pratiques ou des habitudes prend des années, car on déconstruit des acquis. Cela désoriente tout le monde. Donner un cap et accompagner dans le déploiement de ces nouvelles manières de faire sont indispensables.
Le seul moyen de réussir est d’avoir un sponsorship fort, constant et persistant de la direction. Tout le monde le sait, mais il est essentiel de le rappeler. Il ne faut jamais en douter ou le laisser s’infléchir.
Il faut s’entourer de personnes qui partagent vos convictions et peuvent être des relais, car un dirigeant ne peut pas être partout, tout le temps.
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🙋 Exemple d’engagement spontané de collaborateurs pour faire bouger les lignes de leur entreprise
Dans les entreprises, tout ne dépend pas de la direction. Il peut y avoir du scepticisme, de l’inertie, voire du rejet vis-à-vis d’initiatives écologiques ou sociales. C’est là que les collaborateurs peuvent créer une dynamique positive. Les exemples sont nombreux.
Dans cet entretien donné à Metis, Marion Rosenstiehl, salariée chez Suez, explique comment elle et une petite poignée de collègues ont monté le collectif Acts for the Planet au sein de l’entreprise.
D’abord porté sur des éco-gestes à mettre en place dans et par l’entreprise, le collectif a progressivement grandi et s’est positionné sur des sujets plus stratégiques, portant même le projet de faire passer Suez en société à mission.
Marion explique comment le collectif s’est élargi, comment il s’est structuré tout en valorisant son informalité, comment il interagit avec la direction et les syndicats.
Cet échange est en partie à relier avec l’étude de l’Ademe sur les écotafeurs, les salariés qui font bouger les lignes de leurs entreprises.
🎙️ Nouvel épisode de podcast avec Consors Intelligence
Il y a deux ans j’enregistrais le tout premier épisode du podcast avec Bertrand Charles et Fabien Hospital, co-dirigeants de Consors Intelligence, société à mission depuis 2021 spécialisée dans l’investigation économique. Ils m’ont fait l’amitié d’accepter que je revienne pour prendre le pouls de la mission, ce que j’aime bien faire de temps en temps.
La société à mission n’est pas une déclaration d’un jour ; c’est un état d’esprit de tous les jours. Passionnant de les écouter parler de l’engagement des équipes, de l’animation du comité de mission, des relations avec les clients (les bons et les mauvais aspects), de l’impact des réglementations sur leur activité (notamment la CSRD et le devoir de vigilance).
Vous pouvez retrouver l’épisode sur toutes les plateformes d’écoute. Je vous invite également à vous abonner et à explorer tous les précédents épisodes.
🛜 Un bon nouveau site Internet, c’est aussi une bonne migration de fichiers dont ceux sur la société à mission
Je termine un rapport sur les audits de sociétés à mission. Je me rends compte que lorsqu’un nouveau site Internet est mis en ligne, la migration des fichiers n’est pas toujours bien faite. Je parle en l’occurrence de la publication de l’avis d’OTI.
Pour rappel, selon la loi, vous devez réaliser votre premier audit dans les 18 ou 24 premiers mois après être passé société à mission. Je vais faire mon rabat-joie, mais si vous ne le faites pas, ne vous revendiquez pas société à mission — nulle part, jamais. Si vous l’avez fait, c’est une première bonne étape. La seconde l’est tout autant. Vous devez publier sur votre site Internet l’avis de l’OTI. C’est une obligation légale.
Si vous changez de site Internet, n’oubliez pas de vous assurer que l’avis est toujours disponible (au moins pendant 5 ans…) et que le lien fonctionne correctement. Il y des petits malins qui iront vérifier. Moi, au hasard…
🧠 Un peu plus de jus de crâne
Le label RSE Positive Company a ouvert les candidatures pour les Positive Awards qui seront remis le 20 juin. 5 catégories sont présentées : Innovation impact carbone/climat ; Changement modèle d'affaires ; Meilleure politique achats responsables ; Meilleure initiative partage de la valeur ; Coup de cœur du public. Tous les détails du concours sont accessibles via ce lien.
Le seul moyen de sauvegarder les espaces naturels serait-il de les financiariser ? C’est la question qu’explore cette analyse du New York Times.
Entretien hyper intéressant de Gaétan Rougevin-Baville, CEO de Meero, dans Maddyness, qui évoque la culture d’entreprise avec la transparence comme élément fondamental vis-à-vis de toutes les parties prenantes, surtout dans un contexte économique très délicat (deux PSE ces dernières années).
Le désamour entre les scientifiques et le gouvernement sur l’environnement semble consommé selon Sébastien Foucart dans sa dernière chronique au Monde.
Shein est un vrai fléau de notre société. Un député a fait une vidéo TikTok très amusante pour démonter la marque chinoise.
📅 Une expérience britannique sur la semaine de 4 jours montre un soutien important des entreprises
Le think tank Autonomy très actif sur la semaine de 4 jours vient de sortir son second rapport concernant l’expérimentation de ce dispositif auprès d’un panel d’entreprises britanniques.
Un an après le lancement de l’expérimentation de six mois, le soutien pour poursuivre la période test ou entériner une nouvelle politique est évident.
Par ailleurs, 100% des entreprises de la première cohorte estiment que les impacts ont été positifs ou très positifs sur l’organisation. En termes de marque employeur, notons que 50% estiment que cela a permis de réduire le turnover et 32% que cela améliore leur politique de recrutement. Sur tout juste un an, c’est très encourageant.
Le rapport explore d’autres aspects, notamment dans les modalités de mise en place, dans ce qui fonctionne et ce qui fait défaut etc.
Mon avis : la semaine de 4 jours est un sujet dont j’entends de plus en plus parler spontanément dans des entreprises pourtant loin de ces sujets. On peut penser que cela va s’intensifier à mesure que des expérimentations sont menées et que des retours positifs remontent. Cela étant, la semaine de 4 jours n’est pas pour tout le monde : il faut une culture d’entreprise et un management qui le permettent. Un des modèles, certes rarement adopté par la cohorte, est de traiter le jour offert comme un bonus que l’on peut prendre de temps en temps… autant dire que ça ne va pas marcher longtemps dans ce cas. Surtout, chaque organisation doit trouver son rythme et ne surtout pas chercher à plaquer un modèle unique.
🤔 L’étonnant paradoxe du soutien populaire en faveur de la lutte contre le changement climatique
Une nouvelle étude parue dans Nature (résumée dans une interview à Carbon Brief) illustre une situation très étonnante sur le soutien de la population mondiale en faveur de politiques de lutte contre le changement climatique.
D’un côté, le soutien à la lutte contre le changement climatique est incontestable. Il dépasse les deux-tiers des interrogés dans 119 des 125 pays sondés. Même, 69% seraient favorables à contribuer 1% de leur revenu mensuel pour financer des dispositifs.
Mais, deux phénomènes viennent s’imbriquer dans ce paysage :
On a tendance à sous-estimer le soutien en faveur de politiques pro-climatiques : une majorité de ceux qui sont favorables se sentent en minorité.
Les pays riches sont moins prêts à contribuer que les populations des pays plus pauvres, plus vulnérables face au changement climatique. Pour les auteurs, deux raisons principales :
Ces pays — la France est tout à fait dans cette tendance — sont très dépendants aux énergies fossiles, donc cela leur demanderait d’importants efforts d’adaptation.
Ils se perçoivent comme plus résilients, car disposant de plus de ressources (en creux, c’est tout le discours sur l’innovation et le technosolutionnisme).
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A jeudi,
Vivien.
Super intéressant ! Merci pour le bouquin de Raymond