#151 Peut-on faire confiance aux labels ?
Ca dépend; et aussi Pandora 100% recyclé; Selectour et ses fournisseurs; l'anti-ESG aux US; les rémunérations et la RSE etc.
Chères abonnées, chers abonnés,
Bienvenue dans cette 151e missive. J’ai eu cette idée de vous envoyer un email concernant vos abonnements. Qu’elle ne fut pas ma surprise de voir une dizaine de désabonnements complets dans la foulée. Ca arrive comme dirait l’autre, mais n’hésitez pas à parler de la newsletter autour de vous ! Ca me redonnera de l’énergie !
Avant de passer au sommaire, petite demande perso. Ce n’est pas dans mes habitudes, mais je lance une bouteille à la mer : j’aimerais participer au semi-marathon de Paris le 3 mars, mais je me suis réveillé un peu tard et les inscriptions sont closes. Peut-être avez-vous dans vos entreprises des dossards non-attribués, si c’est le cas, je serais très preneur. Soyez certains que je ferai honneur au dossard ! Pour me faire signe, vous n’avez qu’à répondre directement à cette missive — les messages arrivent directement dans ma boîte email.
Au sommaire et en format télégraphique :
💭 Edito : peut-on faire confiance aux labels ?
👋 Selectour s’enquiert de la politique RSE de ses fournisseurs
💍 Pandora passe au 100% or et argent recyclés et fait bouger en profondeur toute sa chaîne de valeur
❌ Aux Etats-Unis, Barclay’s fait les frais des postures anti-ESG des Républicains et Bank of America revient dans le charbon en conséquence
💰 Les critères RSE deviennent de plus en plus une dimension de la rémunération des dirigeants
🧠 Un peu plus de jus de crâne avec un reportage sur le racisme contre les Asiatiques, Kofi Annan, les reportings extra-financiers et l’entreprise régénérative
🎧 Jamie XX - It’s So Good
Bonne lecture à picorer ou à dévorer !
Jamie xx s’était fait connaître à la fin des années 2000 par The xx, groupe que j’adorais, une espèce de pop cold wave. En solo, il est beaucoup plus tourné sur l’électro. C’est parfois dansant, parfois plus planant. Son dernier single “It’s So Good” est entre les deux. Une belle réussite !
Peut-on faire confiance aux labels ?
Dans un environnement de complexité fort et face à une forme de défiance généralisée, mettre un macaron sur son produit ou sur son site Internet est perçu comme un enjeu important pour les entreprises :
Cela permet de réduire le doute chez les clients concernant les efforts que l’entreprise mène. C’est encore plus le cas dans des secteurs d’activité concernés par la santé (cosmétique, alimentation par exemple) ou lorsque le manque d’éthique a souvent été pointé du doigt (on pense encore à l’alimentation, mais aussi à la mode).
Le corollaire de la réduction du doute, c’est de créer de la confiance. Selon une enquête de l’ADEME en 2020, 78% des consommateurs sont attentifs à la présence d’un label lorsqu’ils font le choix d’un produit. Cette recherche de confiance rassuree les clients, alors que le niveau de transparence attendu par les entreprises s’accentue aux niveaux sociaux et environnementaux (Yuka, éco-scores divers etc.).
Il y a des enjeux financiers. Plusieurs études montrent que les clients seraient prêts à payer un peu plus cher des produits ou services “durables”, ce qui passent souvent par un label ou une certification.
Autre aspect financier, vis-à-vis des investisseurs : ils sont de plus en plus attentifs aux critères ESG dans leurs choix d’investissement ; cela peut donc aider la valorisation de la société. Certaines études viennent renforcer l’idée qu’une entreprise labellisée performe dans l’ensemble mieux que les autres.
D’autres aspects peuvent également rentrer en ligne de compte : travailler sa marque employeur, structurer une démarche RSE en s’appuyant sur un référentiel établi, s’aligner avec d’autres acteurs de son secteur, ou offrir un gage de réassurance après un scandale lié à l’entreprise ou au secteur.
Cela explique la montée en puissance des labels depuis quelques années et cela devrait perdurer. Les labels sont perçus comme des tiers de confiance.
Pas étonnant donc de voir un florilège d’initiatives, généralistes, sectorielles, ou individuelles. Chaque label a sa méthodologie, sa spécificité, son angle d’approche, ses vertus et forcément ses limites.
Donc, dans le business des labels, la réussite implique beaucoup de marketing et de références. Il faut être connu et reconnu. D’où la bonne adéquation à trouver entre un nombre suffisant de labellisés (plus il y en a, plus on devient attractif) et une qualité de labellisés (avec des entreprises de renom qui portent déjà le sceau de l’engagement avant même d’être labellisées).
C’est là que les choses se compliquent. Le nombre de labellisés est important, mais il ne faut pas réduire la robustesse du processus de labellisation sous peine de perde en crédibilité. De même, certaines entreprises labellisées peuvent faire de l’ombre à l’image du label.
Le label B Corp semble en prise avec ces deux phénomènes, selon un article de BBC WorkLife. En effet, plusieurs polémiques récentes ont émergé en raison de labellisations que certains jugent exagérées (en l’occurrence Nespresso) ou parce que des entreprises ont eu des comportements discutables (l’article cite BrewDog (j’en parlais ici) qui vient de perdre sa labellisation, et certaines agences de Havas (j’en parlais ici) ; je rajoute Hootsuite, il y a quelques années, dont j’avais pas mal parlé).
Certains critiquent également B Lab de créer un système un peu différent pour attirer les grands groupes. Jusqu’à présent, les plus petites entreprises constituent l’immense majorité des labellisés.
L’ONG responsable du dispositif cherche à améliorer le système. Jusqu’alors, il s’appuie sur un seuil de 80 points à obtenir sur différents piliers évalués. Dans un tel dispositif, on peut toutefois être excellent sur un pilier et très inférieur sur un autre. L’idée serait de créer un seuil minimum sur tous les piliers. C’est en cours d’évolution.
Ce ciblage sur B Corp ne doit pas cacher la réalité de tous les labels : ils ne sont pas sans faille et ne garantissent pas un comportement parfait des entreprises sur la totalité des sujets extra-financiers. Ce sont avant tout des mécanismes qui apportent des éléments de réassurance aux différentes parties prenantes, mais peut-être en attendons-nous trop d’eux.
Il faut en plus reconnaître un phénomène assez universel. Pour certains, un label est un outil pour grandir ; pour d’autres, c’est une case à cocher. Les premiers labellisés se lancent par conviction ; il n’y a pas d’avantage marketing à le faire. Plus un label est connu, reconnu, voire attendu, plus il attire des sociétés pour lesquelles les aspects marketing et utilitariste sont essentiels et dont les pratiques business sont plus contestables. C’est un peu la rançon du succès.
Et c’est alors que se posent plusieurs questions pour le label : comment conjuguer l’essor du label avec sa crédibilité et sa robustesse ? A partir de quel moment considère-t-on que la réputation du label est mise en péril et qu’une refonte s’impose ? En réhaussant la barre, ne prend-on pas le risque de perdre des entreprises (certaines qui pourraient ne pas être renouvelées et d’autres qui pourraient estimer que le coût d’entrée est trop élevé) et donc que la connaissance du label diminue et que sa pérennité économique se pose ?
Mais également pour les entreprises : face aux critiques qui entourent tel ou tel label, est-ce encore pertinent de se lancer dans cette démarche vu les ressources à mobiliser ou même de garder le label même si on peut en apprécier les bénéfices ? Est-il encore perçu comme un gage de qualité ou de confiance aux yeux de mes clients et/ou de mes actionnaires ?
Cela montre à quel point il est important de s’interroger continuellement sur son modèle : la crédibilité d’un label est son actif le plus essentiel. Rares sont ceux qui sont tellement incontournables qu’ils peuvent survivre à quelques écarts ou brebis galeuses (ou alors, ils sont inconnus). Par conviction ou par utilitarisme, les entreprises choisissent des labels pour ce que cela leur rapporte : si un label ne crée plus la valeur qu’ils étaient venus chercher au départ, ils iront voir ailleurs.
👋 Amis fournisseurs, la RSE est-elle importante pour vous ?
L’agence de voyages Selectour s’est lancé dans une démarche profonde de cartographie et de compréhension des pratiques RSE de ses fournisseurs, lit-on dans un article de Voyages d’affaires. C’est notamment le fruit des nouvelles réglementations qui rentrent en vigueur.
La première étape est d’adresser un questionnaire à une soixante de fournisseurs stratégiques sur cinq thématiques : leur activité, leur gouvernance, l’impact environnemental, l’impact social et sociétal. C’est un moyen de mieux cerner ce qu’ils font et également de pouvoir traiter les questions que leur posent leurs clients. A voir si cela pourra aller plus loin à l’avenir…
Mon avis : avec la CSRD et le droit de vigilance, il va devenir monnaie courante pour des entreprises disposant d’un large panel de fournisseurs de mener ce type de travail. C’est un moyen d’identifier et de corriger les angles morts. Pour les fournisseurs, la conséquence sera aussi de s’améliorer dans leurs pratiques RSE, et de bien suivre leurs efforts pour pouvoir gagner du temps dans la réponse aux questions qu’elles devront fournir.
💍 Pandora désormais 100% or et argent recyclés
La plus grande entreprise de joaillerie au monde a annoncé que depuis fin 2023, 100% de l’or et de l’argent utilisés pour ses bijoux sont issus de matériaux recyclés. Le recyclage de l’or génère 1% d’émissions de CO2 de celles émises par le minage d’or. Cet objectif de Pandora suit une série d’engagements pris par l’entreprise depuis plusieurs années et qu’un article de Sustainable Brands reprend.
Outre le fait que cela a demandé de nombreux efforts et investissements de la part de l’entreprise, c’est également toute sa chaîne de valeur qui a dû s’adapter. En effet, tous les fournisseurs concernés par l’achat de matières ont dû s’orienter sur des matériaux recyclés certifiés.
Cela leur a demandé d’adapter de nombreux processus d’achat, de process industriels et d’équipements. Ils ont bénéficié de l’accompagnement d’une centaine de collaborateurs de Pandora.
Mon avis : c’est dans la continuité de l’info sur Selectour. Au fur et à mesure que les grands groupes bougent, certains plus rapidement que d’autres, l’impact sur leurs fournisseurs va se faire sentir et parfois de manière importante. D’où l’importance d’anticiper ce type d’évolutions. Cela ne nécessite pas forcément d’énormes investissements dès le départ, mais d’expérimenter.
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❌ Ca ne s’arrange pas outre-Atlantique sur le “capitalisme woke”
Pour les habitués de la newsletter, vous savez que je suis assez inquiet de la tournure des choses aux Etats-Unis à plusieurs égards, mais en l’occurrence sur les positions des Républicains sur l’ESG, ou ce qu’ils appellent “le capitalisme woke”.
En bref, ils estiment que les réglementations, et plus globalement l’esprit de l’ESG, sont dangereux, parce qu’ils forcent les entreprises à dépenser de l’argent sur des sujets qui ne relèvent pas, selon eux, de l’entreprise (d’où un gros recul sur le DEI et une attitude de plus en plus timorée sur les engagements climatiques par exemple).
Derniers événements en date. Le Texas s’est une nouvelle fois illustré en excluant la Barclay’s de participer en tant que souscripteur sur le marché des obligations municipales de l’Etat. La banque, comme d’autres, avait été identifiée comme “favorable au boycott des énergies fossiles” (on peut difficilement affirmer cela…), et suite aux demandes de l’Etat d’avoir des clarifications sur sa politique ESG, la Barclay’s n’a pas souhaité répondre.
De son côté, Bank of America est revenue sur son engagement de ne plus financer des projets liés au charbon. Dans une mise à jour de ses politiques sociales et environnementales pointée du doigt, la banque précise que les projets de financements liés au charbon seront soumis à une due diligence renforcée, comme le souligne le New York Times.
La pression sur les acteurs financiers commence à beaucoup peser et le climat politique américain est loin d’arranger les choses. Pour le moment, le niveau fédéral est relativement épargné par ses débats anti-ESG, mais les cartes pourraient être rebattues avec la prochaine présidentielle…
💰 La RSE de plus en plus prise en compte dans les rémunérations des dirigeants
Deux études sorties indépendamment arrivent au même constat : une hausse de la prise en compte de la RSE dans la rémunération des dirigeants.
La première, réalisée par l’Orse, PwC et le Pacte Mondial France, montre que le CAC40 s’est bien saisi du sujet. Toutes ont adossé des objectifs RSE dans les rémunérations des dirigeants sur le variable à court terme, qui représentent entre 10 et 30% du total. Cette pratique tend à s’élargir à d’autres populations de managers au sein de ces organisations. Au niveau des salariés, notons que 43% d’entre elles incluent l’atteinte d’indicateurs RSE dans l’intéressement (+25% par rapport à 2017).
Les critères les plus récurrents sont la diminution de CO2 et les sujets de diversité et inclusion.
La seconde réalisée par WTW auprès de grandes entreprises illustre que les critères RSE gagnent du terrain dans les rémunérations au niveau international. L’Europe fait figure de bon élève par rapport à ses homologues d’Amérique du Nord (cf. le graphique) et d’Asie-Pacifique.
On peut trouver cela dommageable, mais comme pour beaucoup de choses, tant qu’on ne vise pas le portefeuille, ce n’est pas prioritaire… Au-delà de cette remarque café du comptoir, on peut s’attendre à ce que ces pratiques infusent progressivement auprès des entreprises non cotées, mais de manière différente : plutôt que seulement cibler le dirigeant (surtout quand il est actionnaire majoritaire), on peut penser que les critères RSE vont avoir un impact sur le top management dans sa globalité.
🧠 Un peu plus de jus de crâne
France 5 a diffusé un reportage saisissant sur le racisme anti-asiatique en France, dont on parle très peu. Il est beaucoup plus diffus et globalement, la population asiatique ou d’origine asiatique s’est publiquement peu offusquée. Ca pourrait changer avec les nouvelles générations.
Traace a fait un comparatif des standards et reporting extra-financiers. Ressource utile !
Novethic s’interroge : l’entreprise régénérative augure-t-elle une nouvelle vague de greenwashing ? C’est un vrai risque…
Il y a 25 ans, Kofi Annan lançait l’idée du Global Compact dans un discours fondateur. Ses propos sont encore bien d’actualité aujourd’hui !
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A mercredi pour le prochain décryptage,
Vivien.
Merci Vivien, ta lettre est toujours aussi riche qu'inspirante !!!
super encourageant que la RSE soient intégrée dans les objectifs RSE de rémunérations des dirigeants du cac40!!!! "On est ce que l'on mesure"