#145 Missive express
On parle changement climatique, droit de vigilance, notation ESG, leadership pop et d'autres choses...
Chères lectrices, chers lecteurs,
Version expresse cette semaine, parce que ça pulse en cette fin d’année comme je le disais hier.
Au sommaire :
👋 Le devoir de vigilance connait sa première victoire juridique
🫢 Toutes les entreprises peuvent se faire critiquer, même les “impact native”
✂️ Vers une évolution des notations ESG
🫣 Les Ehpad privés pourraient tous devenir société à mission
🔎 Que pensent les dirigeants d’entreprise du changement climatique ?
📖 Recension de Marion Darrieutort, Le temps des leaders pop ! Changer les chefs pour changer pour le monde
🧠 Un peu plus de jus de crâne avec les jeunes et le statut social; l’effondrement; et la COP28.
🎧 Mon son de la semaine : Laurent Garnier - The Sound of the Big Babou
Bonne lecture à picorer ou à dévorer !
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Je me suis replongé dans l’œuvre de Laurent Garnier, véritable empereur français de l’électro et de la techno, après l’écoute d’une émission de FIP où il racontait son parcours musical. Et j’ai récouté “The Sound of the Big Babou”. Il est 2h du matin en boîte de nuit. Le DJ a fait monter l’ambiance et il attend le moment parfait pour le pic de son set. Voici le morceau qu’il choisira ! Et vous deviendrez fous !
👋 Le devoir de vigilance arrive à vos portes
La Poste vient d’être condamné par le tribunal de Paris à améliorer son devoir de vigilance. En jeu : le traitement de certaines personnes dans les filiales Chronopost et DPD, qui emploieraient des travailleurs sans papiers. Si plusieurs actions ont déjà été lancées par des ONG dans le cadre de la loi sur le devoir de vigilance, cette condamnation est une première et pourrait faire jurisprudence.
Le tribunal demande au groupe de mieux cartographier ses fournisseurs et leurs pratiques en conformité avec la loi. Un plan existe, mais le tribunal estime qu’il est trop généraliste et ne permet pas d’identifier toutes les zones de vigilance. C’est d’ailleurs un des écueils de la loi comme le rappelle plusieurs personnes interrogées par Novethic : aucun décret d’application existe, ce qui crée un flou pour les entreprises concernées (plus de 5000 salariés).
Le devoir de vigilance sur les droits humains et environnementaux est aujourd’hui une exigence française, mais une directive est en cours au niveau européen et elle devrait clarifier les attentes pour les entreprises. En tout cas, on peut compter sur les ONG pour s’en saisir.
🫢 Attention à ce que vous dites
On pourrait penser que seules les grandes entreprises sont visées par les critiques de la société civile. On pourrait aller plus loin en imaginant que les entreprises “nativement à impact” sont immunisées contre toute critique. Eh bien non ! La preuve avec Ecov, un service de covoiturage destiné aux transports pendulaires, qui a subi une plainte de la Fédération Nationale des Usagers des Transports (FNAUT) pour publicité trompeuse.
Selon l’association, Ecov induirait les internautes sur plusieurs aspects, que ce soit le désenclavement des territoires ou la réduction des émissions de CO2. La FNAUT estime qu’Ecov vient en concurrence des transports en commun sur plusieurs des lignes qu’elle propose. Par ailleurs, certaines allégations sont, pour elle, floues et non démontrées.
Le Jury de Déontologie Publicitaire (JDP) a estimé que la plainte était partiellement fondée et a été confirmée après qu’Ecov a formulé une demande de révision—on pourrait dire qu’elle a fait appel de la décision. Certes, peu d’éléments de la plainte de la FNAUT ont été validés par le JDP, mais un point l’a été : une donnée non sourcée sur le site Internet, qui, en outre, ne correspondait pas précisément aux résultats de l’étude.
Ce différend illustre deux phénomènes :
Sourcez toutes les données que vous utilisez et si elles sont issues d’études que vous commanditez, donnez-y accès.
Aucune entreprise ne dispose d’un blanc seing que ce soit par sa taille ou la nature de son activité. Ecov est passée société à mission au printemps. On peut s’attendre à ce que la FNAUT soit très vigilante au rapport de mission et à l’avis de l’OTI quand ils seront publiés…
✂️ Donnez moi un E, donnez-moi un S, donnez-moi un G
L’Union européenne est en train de réglementer le secteur des agences de notation ESG. Selon un article des Echos, la commission des Affaires économiques et monétaires du Parlement européen conforte la proposition de la Commission de séparer les activités des entreprises combinant des activités de notation ESG avec d'autres services financiers (conseil, émission et vente de notations de crédit, développement d'indices de référence…).
Mais, de manière plus globale, l’évaluation ESG pourrait prendre une nouvelle forme. Aujourd’hui, la notation est très souvent une moyenne, ce qui fait qu’on peut obtenir de bons résultats en étant très bons sur certains aspects et mauvais sur d’autres. Demain, cette notation pourrait se faire sur chacun des piliers de manière séparée. Il se trouve que c’est un peu cette logique que devrait prendre l’évolution de la labellisation B Corp. Autant dire que certaines entreprises auraient du mal à cacher certaines défaillances…
🫣 Regardez, c’est la loi qui le dit
Suite à la parution des Fossoyeurs où Orpéa et Korian (désormais Clariane) ont particulièrement été épinglés, le secteur du grand âge, comprenez les Ehpad, a connu de nombreux bouleversements. L’idée poussée par le gouvernement que tous les Ehpad privés devaient devenir société à mission a, un temps, été évoquée, puis abandonnée, avant de retrouver sa place dans un rapport de l’Assemblée nationale préfigurant une future loi Grand âge.
La société à mission ne faisait pas partie de la proposition de loi initiale, mais elle a trouvé sa place par amendement suite aux débats à l’Assemblée nationale. Il est désormais indiqué que les sociétés commerciales devront “respecte[r] les conditions relatives à la qualité de société à mission”. Certains y voient une obligation, mais le texte reste assez flou pour que tout le monde n’y aille pas complètement—surtout s’il n’y pas de contrôle ou de sanction. Néanmoins, on peut s’attendre à ce que ça bouge pas mal dans le secteur !
🔎 La perception des dirigeants sur le changement climatique
Le monde économique ne fait pas l’autruche sur les enjeux environnementaux. Plusieurs enquêtes l’ont déjà montré ; le nouveau baromètre de l’ADEME sur les perceptions sociales liées au changement climatique le confirme. Ce qui est intéressant, c’est que cette préoccupation est plus forte chez les dirigeants d’entreprise que dans la société et qu’ils reconnaissent davantage le caractère anthropique du changement climatique (82% vs 64% pour le grand public).
Plusieurs aspects montrent une évolution des mentalités des dirigeants sur différents aspects depuis 2018 (dernière vague réalisée). Par exemple, ils sont 40% à se dire concernés par la réduction des consommations d’énergies fossiles” (+9 points). Par ailleurs, point intéressant qui contredit d’autres études, les dirigeants ne sont pas vraiment techno-solutionnistes : seuls 9% d’entre eux estiment que le progrès technique permettra de trouver des solutions pour limiter le réchauffement climatique (vs 13% pour le grand public).
A côté de cela, 39% des dirigeants estiment que leur activité n’a aucun impact sur le réchauffement climatique, que ce soit par l’activité de leurs fournisseurs, leur processus de production ou l’utilisation de leurs produits et services par leurs clients. Bref, les choses bougent, mais les efforts sont dispersés et, surtout tout le monde n’établit pas bien toutes les connexions (un terreau fertile pour les fresqueurs !).
📖 Recension. Marion Darrieutort, Le temps des leaders pop ! Changer les chefs pour changer pour le monde, Ed. de l’Aube, 2023.
Ce court essai sur le leadership dénote sur plusieurs points. Tout d’abord, il est écrit par une femme. Ce n’est pas un détail : en fait, c’est rare ! En plus, Marion Darrieutort le sait et en joue habilement dans son ouvrage. On ne tombe pas dans un essai sur “le leadership au féminin”, mais quelques références ci et là viennent ponctuer des réflexions. Ensuite, c’est un essai contemporain sur le leadership avec un regard pluriel. L’autrice est cheffe d’entreprise, présidente du think tank Entreprise & Progrès et communicante, donc dans une posture de conseil. Ces différentes casquettes lui permettent de mélanger un regard pratique, de terrain et plus analytique, ancré dans notre époque et les enjeux d’aujourd’hui.
Pourquoi POP ? Pour Populaire, Ouvert et Politique. Populaire est à entendre comme à l’écoute des interpellations du monde, de l’environnement, des nouvelles attentes. Autrement dit, ne pas surplomber ! Ouvert pour élargir le champ des parties prenantes avec lesquelles l’entreprise interagit, mais également ouvert pour saisir de nouvelles opportunités commerciales liées à l’évolution du monde. Politique n’est pas à prendre au sens de partisan, mais plutôt comme acteur de la société, force d’entrain pour ses équipes, dans la veine de l’ouvrage de Pascal Demurger L’Entreprise du XXIe siècle sera politique ou ne sera pas.
Evidemment, chaque grand chapitre recouvre des notions complémentaires, car il est difficile d’être ouvert sans être populaire ou d’être politique sans être ouvert. Parfois, les notions se confondent même. Ce n’est pas très gênant, car l’autrice ne cherche pas forcément à créer un cadre normatif, mais plutôt d’égrainer ses messages de manière assez didactique. J’ai trouvé beaucoup de bon sens et d’éléments connus dans cet ouvrage, parce que je partage largement les vues de Marion Darrieutort. Pour des lecteurs moins convaincus, Le Temps des leaders pop! a les vertus d’être court, bien rédigé, illustré de pas mal d’exemples et accessible.
Vous pouvez vous procurer l’ouvrage via ce lien affilié et ainsi soutenir La Machine à sens.
🧠 Un peu plus de jus de crâne
Non, non tous les jeunes diplômés ne sont pas des écolos zélés. Il y en a aussi qui veulent gagner de l’argent avant et au-dessus de tout et pensent que tout se passe encore dans les grands groupes, comme le rappelle une enquête dans Le Monde.
Loup Espargilière, co-fondateur du média Vert, nous fait une visite des alentours de la COP, et notamment toutes les innovations présentes sur différents stands et salons autour. Ca vaut le coup d’œil.
France Culture a reçu Jared Diamond pour parler effondrement. Sujet très optimiste et plein d’espoir, mais il arrive tout de même à voir un peu de lumière au bout du tunnel.
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A la semaine prochaine,
Vivien.