#136 Comment réussir sa trans-mission pour les entreprises familiales ?
Et aussi l'entrée en bourse d'une entreprise à mission, la RSE dans le monde, la culture d'entreprise, la gouvernance de la RSE et bien d'autres choses...
Chères lectrices, chers lecteurs,
Me voici de retour pour une missive hebdomadaire classique. Je vous propose qu’on passe directement au sommaire, mais avant cela une petite info importante.
A ne pas manquer
J’ai le plaisir de co-organiser avec Bpifrance une table ronde sur la société à mission le 5 octobre à Paris lors de BIG, le grand événement annuel de la banque publique (avec un livestreaming). Elle s’intitule “Entreprise à mission : quelle utilité et quelle réalité au quotidien ?”.
Je souhaitais organiser un événement qui aille au-delà de “pourquoi et comment devenir entreprise à mission”, donc toutes les entreprises représentées sont société à mission depuis près de deux ans voire plus, et plusieurs sont déjà passées par l’audit. Bref, vous l’aurez compris : l’idée est de répondre à la question de savoir si ça sert ce truc dont on entend parler. Egalement, je souhaitais un panel avec des réalités d’entreprises différentes : start-up à mission, entreprise familiale, entreprise de services, industriels, la société à mission comme driver du changement, PME et ETI, diversité géographique etc. Le tout sur un format interactif, donc pas de slide et pas de tunnel de présentation de 15 minutes…
Donc, un programme aux petits oignons rien que pour vous ! Et pour couronner le tout, l’inscription à BIG est gratuite en présentiel et en distanciel. Encore des hésitations ?
Pour vous inscrire et aussi accéder à des dizaines d’autres conférences, c’est par ici : https://big.bpifrance.fr/fr.
Passons au sommaire :
💭 L’édito : comment l’entreprise à mission peut être un bon cadre pour faciliter une transmission d’entreprise familiale réussie
📶 Une première : une entreprise à mission s’introduit en bourse
🏅 Récompense méritée pour le groupe Cheval
🤔 Les entreprises françaises sont en avance par rapport à d’autres sur la RSE, c’est bien ?
📖 Un bon guide sur la gouvernance de la RSE
✖️ Le dogme de la croissance verte encore écornée
🧠 Un peu plus de jus de crâne avec la place de l’entreprise dans la société, la culture d’entreprise vraiment vécue et le partenariat entreprises familiales-startups à impact
🎧 Mon son de la semaine : Clara Ysé - Douce
Bonne lecture à picorer ou à dévorer !
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Une fois n’est pas coutume, je vous propose un morceau d’une artiste française, Clara Ysé. “Douce” est purement sublime, un morceau doucement puissant, prenant, enivrant, bouleversant. Rien que ça et tout ça à la fois ! Gros coup de cœur !
Dans une nouvelle étude de Bpifrance Le Lab, on apprend que 26% des dirigeants de PME et ETI familiales ont plus de 60 ans et que 42% d’entre eux ont entre 50 et 59 ans. Autant dire que ce sont des candidats sérieux à une transmission dans les 5 à 10 ans.
65% de ces dirigeants souhaitent que l’entreprise reste dans le giron familial après le départ. Le petit sujet est que beaucoup n’ont pas formalisé de plans de succession. Parmi les 50-59 ans, seuls 23% l’ont fait—on peut encore le comprendre ; mais il y a encore 47% des 60-69 ans qui sont sans plan de succession, et même 36% des plus de 70 ans.
On sait qu’un plan de succession se prépare de longue date—on entend souvent parler de 10 ans. On sait également que la transmission est un moment critique : comment lâcher les rênes ? Comment pérenniser le projet et les valeurs de l’entreprise ? Comment laisser au successeur sa place pour développer sa patte ? Comment éviter de phagocyter tout effort de changement ?
Il existe de nombreuses méthodes pour cela, mais il y en a une encore peu testée et qui me semble pourtant très pertinente. Vous me voyez venir, il s’agit de l’entreprise à mission.
Pourquoi ?
Je vois trois raisons principales :
la société à mission est un cadre qui pousse l’entreprise à regarder dans le rétroviseur (le passé), dans l’habitacle (le présent) et par le pare-brise (l’avenir). C’est d’autant plus important pour une entreprise familiale qu’elle porte souvent des valeurs fortes, un style de management de proximité, un héritage plus ou moins long et une vision de pérennisation de la société à long terme.
Ainsi, l’entreprise à mission semble bien indiquée pour anticiper les conflits éventuels qui pourraient émerger dans le cadre de la succession en s’accordant sur la bonne dose de traditions à valoriser et de nouveautés à explorer.
Cette démarche présente l’intérêt de refléter l’image de l’entreprise. La liberté laissée aux entrepreneurs de définir leur mission, leurs objectifs et la vitesse à laquelle les atteindre est très adaptée aux entreprises familiales. En effet, la mission peut revendiquer des aspects de gouvernance familiale et d’ancrage sociétal de long terme.
Contrairement à d’autres démarches qui les réduiraient à “cocher des cases” et à se conformer à des attendus prédéfinis, la société à mission offre cette souplesse qui permet d’être plus unique dans son approche. Ce n’est pas une contrainte de plus, c’est une opportunité de s’affirmer tel que l’on est et tel que l’on souhaite devenir.
C’est un très bon cadre d’échanges entre dirigeants actuels et futurs pour préparer la transmission et aborder tous les sujets stratégiques, délicats, matériels et immatériels (valeurs, culture, tradition, style de management etc.).
Un successeur se choisit plusieurs années à l’avance. Travailler sur la mission entre deux générations peut offrir cet espace de débats, de partage et de confrontation de points de vue. Surtout, cela peut se faire sur une période de temps étendue. Rien n’oblige à boucler le projet au plus vite ; encore une fois la fois, la logique du temps long si chère aux entreprises familiales.
D’aucuns diront qu’ils n’ont pas besoin d’un tel cadre pour faire ce travail ; c’est juste. Mais, il a la vertu de la souplesse, de ne pas brusquer et d’offrir un espace d’échanges intergénérationnel difficile à avoir. Vu la sensibilité des enjeux en question, pourquoi s’en priver ?
📶 Je crois que c’est une première
Grosse actualité pour Arverne, jeune entreprise industrielle spécialisée dans la géothermie et le lithium. Cette entreprise à mission officialise le rachat de Transition et son entrée en bourse, ce qui débouche sur une levée de fonds de 150 millions d’euros, la plus grosse à la Bourse de Paris depuis le début de l’année (retrouvez le décryptage de leur mission).
Le groupe envisage d’accélérer pour “faire du sous-sol un acteur majeur de la transition énergétique”. Le sujet est très sensible. Les uns s’insurgeront : laissons les sous-sols tranquilles, c’est notre modèle de société qu’il faut revoir. Les autres diront : nos sous-sols regorgent de matières essentielles à l’électrification de notre société et plutôt que de se voiler la face sur la réalité de ce qui se passe à des milliers de kilomètres de chez nous, autant qu’on contrôle davantage, qu’on exploite mieux et qu’on ait un débat informé.
En tout cas, je vous partage cette info pour montrer que passer société à mission n’est pas synonyme de renoncement à entrer en bourse, et que ce n’est pas un frein à une entrée réussie ! Je crois d’ailleurs que c’est la première entreprise à mission à faire cette démarche de passer cotée. Reste à voir comment elle gèrera cette nouvelle situation avec sa mission, tant on sait que c’est difficile…
🏅Un prix bien mérité
Le groupe Cheval, acteur important des travaux publics dans la région Auvergne-Rhône-Alpes a remporté le prix de la marque engagée dans la catégorie “Entreprise à mission” lors du salon Produrable. Faisant partie de leur comité de mission, je me réjouis de cette reconnaissance, qui confirme les efforts engagés par le groupe.
Pour découvrir davantage l’entreprise, je vous invite à lire le rapport de mission et l’avis de l’OTI, même si tellement de choses ont changé depuis. A savoir que c’est une entreprise en très fort développement : je suis entré dans le comité de mission, le groupe était 700, ils sont 1100 aujourd’hui en raison de nombreuses croissances externes pour consolider certaines activités et se diversifier sur d’autres, notamment liées au paysage.
Bref, une très belle entreprise à mission foncièrement investie par sa mission, prête à déployer des moyens humains et financiers à sa réussite, car la mission, le développement de l’entreprise et sa réussite sont intrinsèquement liés.
🤔 Cocorico ?
Le baromètre RSE d’Ecovadis et du Médiateur des entreprises devient le moment de l’année où on s’autocongratule et on félicite les entreprises françaises d’être bien placées dans ce classement. Plutôt qu’une analyse globale, il sert souvent pour dire : regardez, en France, on est en pointe sur ce sujet par rapport à beaucoup.
Et c’est vrai. Le score global pour les entreprises françaises est de 57,6/100, la mettant dans le top 5 mondial. Au niveau de l’Union européenne, la moyenne est à 55,1 et de l’OCDE de 53,3. Surtout, la part d’entreprises françaises a plus de 65 est encourageante : 27,9% contre 19,8% dans l’UE et 16% dans l’OCDE.
Mais, je ferai deux remarques.
La première. Selon l’échelle du baromètre, 57,6 correspond à “adapté”, autant dire : je suis la réglementation tout au plus, mais je ne cherche pas à faire davantage, surtout pas. Donc cocorico, mais ne bombons pas trop le torse non plus. Il y a encore beaucoup à faire.
La deuxième. Regardez cette carte. Elle me fait peur.
L’Europe est un îlot. Pendant qu’on s’écharpe, à juste titre, sur les sujets extra-financiers, le reste du monde regarde sans trop s’intéresser au sujet… Cela ne veut pas dire qu’il faut baisser les bras, mais être conscient que ce combat est avant tout moral—mais aussi business même si beaucoup ne le comprennent pas—et qu’il nécessitera l’engagement de chacune et chacun pour faire avancer à son échelle le sujet au niveau international.
Je vous conseille notamment de regarder ce qui se passe outre-Atlantique. Ca laisse pantois…
📖 Par où commencer pour instiller la RSE dans sa gouvernance ?
Il existe de nombreux guides sur la RSE : comment faire, par où commencer etc. En revanche, beaucoup moins sur le sujet de la gouvernance de la RSE. Cela peut paraître technique et un poil complexe, mais c’est fondamental pour assurer la pérennité de l’enjeu et surtout sa diffusion dans toute l’organisation.
Haatch a eu la bonne idée de consacrer un guide sur le sujet. Alimenté par beaucoup de témoignages, vous découvrirez les étapes pas à pas, de manière pédagogique, pour faire de la RSE une réalité partout dans l’entreprise.
Certains diront que c’est beaucoup de bon sens, mais j’ai appris que le bon sens est plus simple à avoir avec un œil extérieur. En plus, ce guide a la vertu de structurer une démarche.
✖️ Un autre dogme tombe
La “croissance verte” est un terme souvent utilisé. La Première ministre l’utilisait encore il y a quelques jours. Pour qui se penche sur le sujet d’un point de vue économique et écologique, c’est une formule à classer dans le greenwashing.
Une nouvelle étude publiée dans Lancet Planet Health vient en rajouter une couche. Les auteurs ont analysé l’évolution du PIB de 11 pays à hauts revenus et l’évolution de leurs émissions de gaz à effets de serre (GES). L’idée est de savoir si le découplage entre croissance et émissions carbone peut être une réalité.
Si on considère qu’il ne faut pas dépasser +1,5°C comme le dit l’Accord de Paris, il faudrait, selon les efforts actuels, 223 ans en moyenne pour que ces 11 pays réduisent de 95% leurs émissions et respectent leurs engagements.
Autrement dit, le petit découplage dont on a beaucoup parlé pendant la période 2013-2019 est très, très loin d’être suffisant. Cette étude ne prend par ailleurs pas en compte les émissions liées à l’agriculture ou en transports en avion…
Dans une logique très macro d’équité entre pays à hauts revenus (qui ont beaucoup émis) et pays en développement (en phase de rattrapage), les premiers, en poursuivant sur leur trajectoire actuelle, “exacerbent l’effondrement climatique ou s’approprient la part de budget carbone des pays à faibles revenus, ou plus probablement les deux”, estiment les auteurs.
Tout cela signifie deux choses, selon moi : on peut s’asseoir sur la trajectoire +1,5°C… et sans effort massif et concerté, les +2°C au niveau mondial vont rapidement devenir une lointaine illusion. A part ça, tout va bien…
🧠Un peu plus de jus de crâne
Philippe Silberzahn s’interroge sur la place qu’on donne aux entreprises dans la société. Ne serait-ce pas trop ?
Pour boucler la boucle avec l’édito : Pauline Boucon Duval, DG du groupe familial Duval, encourage dans une tribune pour Maddyness à la collaboration entre entreprises familiales et “startups purpose native”, car elles voient des synergies naturelles.
Selon Amy Leschke-Kahle dans un article pour MIT Sloan Management Review, pour qu’une culture d’entreprise soit vécue en interne comme elle est promue en externe, elle doit être différenciante, claire, crédible et constante.
Dans la même veine, Hélène de Saint-Front propose une série d’articles sur LinkedIn détaillant trois leviers, avec des exemples à la clé, pour une culture vraiment perçue par les collaborateurs :
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A jeudi,
Vivien.