#114 Le cœur en entreprise : un ouvrage qui explique comment faire pour de vrai
Avec le témoignage d'Hubert Joly, aussi le ski, la mode, le made in France, les standards et plein d'autres sujets (lecture totale: 10 minutes)
Chère lectrice, cher lecteur,
Bienvenue dans la 114e missive de La Machine à sens ! Vous l’avez constaté, cette semaine, “il fait beau”. Chouette !… en fait non, vraiment pas chouette.
Passons au sommaire :
💭 L’édito : L’Entreprise, une affaire de coeur, un ouvrage essentiel
⛷️ Vers la fin du ski ?
👗 C’est la débandade pour beaucoup de marques de mode, mais cela s’explique
💪 L’Elysée relance la Grande Exposition du Fabriqué en France
🔢 Les chiffres qui marquent avec les enjeux prioritaires pour les salariés
⛔ Halte aux revendications de “neutralité carbone” abusives
📖 Sortie du premier standard sur l’entreprise responsable
➕ Nouvel preuve que les enjeux sociaux et environnementaux sont indissociables
🧠 Un peu plus de jus de crâne avec le sport et la mission, les célébrités, la poussière spatiale et les valeurs d’entreprise.
🎧Mon son de la semaine : Benjamin Amaru - Not High on Drugz
Bonne lecture ! A picorer ou à dévorer !
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Chose promise, chose due, cette semaine je vous parle de cet ouvrage que vous devez lire (vraiment !) : L’Entreprise, une affaire de cœur d’Hubert Joly, ancien patron de Best Buy, une sorte d’équivalent de Darty aux Etats-Unis. J’ai beaucoup entendu parler de ce livre, en grande partie parce que l’auteur est français et que l’on est à la frontière entre un témoignage et un ouvrage de management. Un exercice rare en France, contrairement aux Etats-Unis, mais pourtant tellement passionnant quand il y a autant à partager.
Je consacre l’édito à cet ouvrage, parce qu’il est marquant.
Petit point de contexte : Best Buy, c’est une très grosse chaîne outre-Atlantique attaquée par le e-commerce (Amazon en premier lieu) et par l’émergence de magasins de marques (notamment les Apple Stores). A cela s’ajoute une expérience client à réinventer. Bref, Hubert Joly prend les rênes en 2012 avec le mandat de remonter l’entreprise ou de la voir couler.
Sa méthode a été de privilégier l’humain avec un principe qu’il répète fréquemment : “l’humain > le business > la finance”. Ce lien causal l’a animé dans la transformation qu’il a générée. Les coupes sombres sont reléguées au niveau de l’action de dernier recours, pas comme une approche d’entrée de jeu. Il fallait partir des motivations et de la “cause noble” pour relancer la dynamique. Cette “cause noble”, que l’on pourrait appeler la raison d’être, a été travaillée en interne et a servi de base pour tout le reste.
Il explique comment elle a été déclinée dans les magasins, comment il a fallu trouver des relais internes, comment cela a amené l’entreprise à investir de nouveaux champs, avec des services d’aide à la personne par la technologie, comment Best Buy a réinventé son expérience client et l’organisation de ses magasins. Et in fine comment l’entreprise a retrouvé des couleurs et se porte bien aujourd’hui.
Cet ouvrage n’est pas écrit par un illuminé déconnecté de la réalité business. Hubert Joly raconte son parcours : de major de promo à HEC adepte de la performance financière, de la primauté de l’actionnaire, du management hiérarchique, du culte de l’excellence et de la perfection, à dirigeant ouvert sur les autres, beaucoup plus humain, tourné sur le sens du et au travail, prêt à accueillir l’imperfection utile au service de la réussite de son entreprise.
Le coaching l’a beaucoup aidé dans cette métamorphose et c’est vraiment en tant que CEO de Best Buy—il avait dirigé plusieurs entreprises avant—qu’il a pris conscience de tous les apprentissages de son parcours et qui l’a pu les mettre en pratique.
Cet ouvrage est inspirant, source d’espoir, générateur d’envies et truffé de bonnes pratiques et de conseils judicieux. C’est vraiment une étude de cas fascinante d’une entreprise qui a interrogé sa contribution pour la société comme point de départ de sa réinvention. Best Buy aurait pu périr en blâmant le contexte et les concurrents, mais Hubert Joly est parti d’un principe simple : si les vents sont favorables pour d’autres, comment fait-on pour, nous aussi, capter ces vents favorables ?
Vous pouvez vous procurer l’ouvrage ici.
⛷️LA FIN DU SKI ?
Faire du ski en moyenne montagne sur de la vraie neige est probablement un luxe que ne connaîtront pas nos petits enfants. Certains commencent à acter que leurs stations n’accueilleront plus personne d’ici une décennie. C’est le cas de Métabief dans le Jura qui a acté “la fin du ski”.
Dans un entretien pour Ouishare, l’ancien directeur de la station Olivier Erard explique comment ils en sont arrivés à cette conclusion et ce que cela signifie. Ils ont regardé les modélisation sur la DRIAS et ont constaté que le ski ne serait plus viable dans la décennie 2030-2040. Il a fallu quelques années pour faire le deuil du ski. Aujourd’hui, le domaine est en pleine transition pour inventer un autre modèle touristique.
Pour Olivier Erard, il y a un manque de réalisme et d’honnêteté de beaucoup d’acteurs qui parlent de “tourisme de quatre saisons”, mais qui investissent principalement sur des infrastructures pour le ski. Selon lui, les financeurs et les acteurs des domaines restent dans un modèle où équipement = performance économique. Ainsi, la fin du ski n’est pas concevable ou seulement si une alternative économique équivalente existe : “Une sorte de disneylandisation de la montagne pour justifier le maintien des remontées mécaniques”.
Je vous conseille également la série de trois reportages de Reporterre sur le ski face au réchauffement climatique.
👗SEQUENCE NOSTALGIE.
Vous avez probablement connu ces sorties du samedi après-midi où vous alliez en centre-ville ou dans les galeries commerçantes pour aller fouiner dans des magasins de vêtements et de chaussures. C’était dans les années 90-2000. Mais ces marques patrimoniales, comme Pimkie, Kookaï, André, GO Sport, San Marina, Camaïeu, C&A, ont dépéri progressivement. Mille et une raisons peuvent expliquer cette situation : le loupé du passage au e-commerce, la concurrence effrénée avec des enseignes à plus bas prix, la montée en puissance de la fripe et de la seconde main, la baisse des achats dans le vestimentaire etc.
En tout cas, les tendances de consommation bougent énormément, encore davantage après les confinements. Mais, ne tombons dans la généralisation exagérée. Quand certains parlent d’une demande plus forte de qualité, de traçabilité et d’éthique, on peut leur renvoyer le perturbant succès de Shein, ou les invraisemblables files d’attente pour rentrer dans les magasins Primark il y a encore quelques années.
La seule chose qui est certaine, c’est qu’il n’a jamais été aussi essentiel pour les marques de mode de s’interroger sur leur raison d’être, de ne pas se reposer sur un effet de rente, de bien connaître leur segmentation client et de tester leur capacité à s’adapter et à se remettre en question en permanence.
💪LA VITRINE MADE IN FRANCE DE L’ELYSEE.
Pour la troisième année, L’Elysée organise La Grande Exposition du Fabriqué en France. C’est l’occasion de mettre en avant des entreprises, des producteurs, des artisans et des industriels français. Evidemment, un des principaux critères est de fabriquer en France. L’accent cette année est également mis sur des productions respectueuses de l’environnement, socialement innovantes et utiles au maintien de savoir-faire régionaux comme au développement économique local.
La Grande Exposition aura lieu début juillet à l’Elysée. Les dossiers de candidature sont à remettre d’ici le 13 mars. A ma connaissance, il n’y a pas de frais d’inscription, donc ne vous privez pas de postuler !
63%. C’est le nombre de salariés britanniques qui souhaiteraient que leur entreprise prenne une position plus engagée en faveur de l’environnement, selon le Net Positive Employee Barometer. C’est un des chiffres clés de ce baromètre porté par Paul Polman. Egalement, regardez ces résultats, ils parlent d’eux-mêmes.
Et ne soyez plus surpris si certains de vos collaborateurs quittent l’entreprise parce qu’ils estiment que vous n’en faites pas assez. Bien que ces données ne soient pas propres à la France, je doute très franchement que les tendances soient différentes.
Intervention à Bordeaux le 1er mars
Petite auto-promo : j’interviendrai le 1er mars à Bordeaux de 17h30-19h30 lors d’un événement intitulé “L’entreprise à mission : juste un effet de mode ?”. A mes côtés, Elodie Rochel, consultante, Magali Pawlowski du cabinet d’audit AJC (pour la partie OTI notamment) et Virginie Joyeux, manager de mission de Valorem (développeur d’énergies renouvelables). L’événement est co-organisé par la pépinière Le Campement et Elodie Rochel.
La première partie sera consacrée à nos interventions et à un débat ; la seconde sera en atelier pour bien cerner comment aboutir à une mission utile et bien formulée. J’espère avoir le plaisir de vous retrouver à cette occasion. Pour vous inscrire, c’est ici.
Si vous n’êtes pas disponible, mais intéressé par un café dans l’après-midi, ce sera également avec plaisir. Faites-moi signe.
⛔HALTE AUX REVENDICATIONS DE NEUTRALITE CARBONE.
L’ONG Carbon Market Watch vient de sortir son nouveau rapport Corporate Climate Responsibility Monitor dans lequel elle évalue les actions climatiques de 24 très grandes entreprises mondiales par rapport à leurs engagements (Carrefour est la seule française représentée et en bien mauvaise place d’ailleurs).
Seul Maersk, le géant danois du transport, s’en sort sans trop d’égratignures. Pour les autres, la copie est jonchée d’orange, voire de rouge.
L’ONG attire plus particulièrement l’attention des pouvoirs publics européens sur le fait que trop d’entreprises utilisent les termes de “neutralité carbone”, “net zero” etc. à tort. J’ai déjà évoqué ce sujet à plusieurs reprises, parce que c’est simplement faux dans la totalité des cas, cela n’a aucun sens à l’échelle d’un produit et même d’une entreprise, et cela trompe les clients, les consommateurs et les investisseurs.
Dans le cadre de la révision des réglementations sur la protection des consommateurs, l’ONG accompagnée de douze autres ont adressé un courrier visant l’interdiction de ces mentions par les entreprises. Pour rappel, la France a déjà légiféré sur le sujet. Depuis le 1er janvier, le recours à la mention “neutralité carbone” est beaucoup plus encadré.
📖UN STANDARD POUR L’ENTREPRISE RESPONSABLE.
Le British Standards Institute vient de sortir le premier standard mondial de l’entreprise responsable (purpose-driven company, que je ne traduis pas par entreprise à mission pour éviter la confusion).
Ce standard, co-construit par une dizaine d’organisations fait suite à une expérimentation de six mois. Il vise à modéliser les comportements et les pratiques qui devraient guide une entreprise responsable. Comme l’explique Victoria Hurt, l’autrice technique du standard, celui-ci doit aider les entreprises à atteindre “une contribution stratégique optimale au service du bien être de long terme des populations et de la planète”.
Le BSI a décidé de rendre ce standard gratuit. Donc, vous savez ce qu’il vous reste à faire…
➕NOUVELLE PREUVE.
Voici un paradigme qui ne cesse de se confirmer : la transition écologique se fera seulement si les enjeux sociaux sont parfaitement associés. Selon un article universitaire de Jonas Peisker paru dans Global Environmental Change, la hausse des priorités environnementales est directement corrélée au contexte socio-économique.
De même, plus la perception d’un juste partage de la valeur et d’une bonne redistribution des richesses est élevée, plus les considérations environnementales s’ancrent parmi les préoccupations des citoyens européens. Il n’est donc pas étonnant que dans les régions d’Europe dépendantes d’industries fortement émettrices, l’environnement ne soit pas une priorité. La crainte est que les politiques climatiques pourraient conduire des entreprises locales à fermer boutique.
🧠UN PEU PLUS DE JUS DE CRANE.
Le sport et l’entreprise à mission peuvent-ils faire bon ménage ? C’est la question qu’Anthony Alice explore dans Ecofoot et qu’il m’a également posée. Vous ne serez pas surpris que je réponds par la positive.
Nous sommes sauvés ! Grâce à un processus tout à fait remarquable, l’usage de la poussière lunaire pour former une ombre entre le Soleil et la Terre pourrait accélérer un refroidissement climatique, selon une étude du Center for Astrophysics | Harvard & Smithsonian et de l’University of Utah. Les auteurs avouent néanmoins qu’ils n’ont pas creusé la faisabilité technique de la chose…
Est-ce que l’utilisation de stars par les marques a encore un sens ? Pour redorer son blason, les marques font parfois appel à des stars appréciées du grand public. C’est un pari de plus en plus risqué tant l’appréciation des stars est versatile, décrit cet article du New York Times.
Le cabinet Thaé s’interroge sur les valeurs d’entreprise : n’est-ce pas un peu surfait, voire une mascarade ?
Un bon titre pop et entraînant, ça fait du bien de temps en temps. C’est exactement ce que m’apporte ce morceau de Benjamin Amaru, “Not High on Drugz”. Mélodie catchy et qui vous va trotter un moment dans la tête.
C’est terminé pour cette semaine. Si cette missive vous a plu, je vous invite à appuyer sur le ❤️. Cela m’encourage !
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A la semaine prochaine,
Vivien.