#104 Et si le metavers ne passait pas l'hiver, ce serait grave ?
Et aussi: fondation actionnariale, transition alimentaire, CSRD, engagements climatiques des entreprises, engagements dans la consommation, senior entrepreneurs etc. (lecture totale: 9 minutes)
Chère lectrice, cher lecteur,
Bienvenue dans la 104e missive de La Machine à sens. Rassurez-vous, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas eu de missive la semaine dernière que je vais faire double ration !
Avant cela, petit message à destination des Héraultais. J’interviendrai le 1er décembre dans le cadre d’un atelier sur impact et performance en entreprise. Cliquez sur l’image pour avoir tous les détails et vous inscrire.
La veille, 30 novembre, je vous propose un déjeuner informel (probablement 12h30-14h) entre personnes intéressées par la société à mission (que vous soyez société à mission, en cours, en réflexion, ou en accompagnement). C’est complètement ouvert et c’est avant tout un moment de convivialité, de partage et d’échanges. Les détails logistiques sont en cours de finalisation, mais cela se tiendra à La Ruche. Faites-moi part de votre intérêt en répondant directement à cette missive. Pour celles et ceux qui lisent depuis Substack, vous pouvez m’écrire à : vivien@machineasens.info.
Passons au sommaire :
💭 L’édito : Et si le métavers ne passait pas l’hiver, ce serait grave ?
👏 Pas besoin d’être Patagonia pour donner toutes ses actions à une fondation actionnariale, la preuve avec Fly The Nest
🍽️ Carrefour prend des engagements marqués pour 2026
🌍 Comme souvent, les détails sont plus flous que les grandes annonces
▶️ La CSRD poursuit son chemin législatif
📊 3e volet de l’analyse du baromètre de la perception d’engagement des entreprises
🧓 Qui sont les senior entrepreneurs ?
🧠 Un peu plus de jus de crâne avec le passé sulfureux des entreprises, le débat sur +1,5°C, gros chèque ou greenwashing, et la plantation d’arbres.
🎧 Mon son de la semaine : Moderat - DRUM GLOW
Bonne lecture à picorer ou à dévorer selon vos préférences !
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J’ai un rêve : que le metavers ne passe pas l’hiver. C’est le titre en forme interrogative d’un récent article des Echos. Le journaliste dresse les raisons du désamour que les fans précurseurs ressentent vis-à-vis des différentes initiatives et on pourrait presque en conclure que l’on peut commencer notre deuil.
J’ai envie d’y croire. Le metavers peut probablement présenter de nombreux avantages pour faciliter certaines interactions personnelles ou professionnelles, mais pour le moment, c’est un vaste espace marketing envahi par les entreprises davantage que par les utilisateurs. Les cas d’usages restent théoriques. Certes, on peut voir les concerts d’Aya Nakamura sur Fortnite ou acheter à prix d’or des Nike pour habiller son double numérique. Mais, les dérives font déjà florès avec des premiers cas de harcèlement et d’arnaques.
L’envie du plus grand nombre de s’y engager est faible. 75% des Français ont des craintes sur les mondes virtuels numériques selon une enquête d’Ifop pour Talan début 2022. Certes, le fossé générationnel est notable, puisque toutes les générations s’accordent passé les 25 ans. Les 18-24 ans sont une courte majorité à ne pas être craintif.
Sans même rentrer dans les questions environnementales, c’est juste une vision de la société. Souhaite-t-on développer à grande échelle des mondes virtuels où on peut vivre une partie de sa vie en interaction avec d’autres avatars ? Dans un monde où les filtres et les réseaux sociaux sont déjà sources d’isolement et de dépression, veut-on pousser le vice plus loin ? Veut-on pousser le consumérisme dans un monde parallèle ? Voyons le bon côté : ce serait la fin de l’obsolescence programmée : des frigos virtuels incassables pour stocker des fruits et légumes virtuels qui pourraient venir des quatre coins du monde sans être cultivés ni transportés. Désolé à tous ceux qui pensaient que le recyclage était l’avenir !
J’entends déjà les sirènes tellement fréquentes : mais si on ne se lance pas dedans, d’autres le feront à notre place ? D’où par exemple la sortie d’Emmanuel Macron qui veut “un metavers européen”. D’où l’ouverture d’écoles et de formation sur le metavers. Le manifesto du Metavers College atteste de l’apparente nécessité :
Encore nébuleux pour la majorité de la population, l’arrivée du metaverse est imminente et rien ne semble pouvoir arrêter l’avènement de cette nouvelle technologie en phase de devenir un nouveau paradigme sociétal à l’ampleur mondiale.
Vraiment ? On a presque l’impression de voir l’avatar numérique de Margaret Thatcher ressuscitée pour l’occasion nous dire : “There is no alternative”. Eh bien, si, heureusement, mais seulement si on le veut ! Tout progrès technologique n’est pas naturellement positif pour la société. Le metavers en est la preuve s’il en fallait une de plus.
👏 PAS BESOIN D’ETRE PATAGONIA.
La décision d’Yvon Chouinard de créer des entités qui seront détentrices de toutes les actions de Patagonia a fait grand bruit il y a quelques semaines. Mais, pas besoin d’être aussi gros pour se lancer dans ce type de démarche.
Les entreprises du groupe Fly The Nest ont décidé de créer le fonds de dotation Fly The Nest, désormais propriétaire de Fly The Nest, Sillages, L’Atelier, Leader Journey et Avolaré. Arthur de Keyzer de Sillages explique la démarche sur LinkedIn :
“La seule boss maintenant, c'est notre raison d'être ! Le Conseil d’administration de notre Fondation Actionnaire est composé en majorité de parties prenantes externes (clients, partenaires, etc.) pour s'assurer de la cohérence de nos trajectoires par rapport à notre mission. C'est incarner une autre façon d'entreprendre, et explorer de nouvelles formes d'organisation au service de sa mission, et pas de ses actionnaires.”
🍽️DES ENGAGEMENTS FORTS POUR CARREFOUR.
Ce n’est pas parce qu’Alexandre Bompard n’est pas un grand fan de la société à mission que je ne vais pas parler des engagements de Carrefour. Dans le plan stratégique 2026, l’entreprise a pris de nombreux engagements dont certains qu’il faudra suivre avec attention :
Doubler les approvisionnements de fruits et légumes en circuits ultra-courts (fournisseurs situés à moins de 50 km du magasin) en Europe
Développer les ventes en vrac pour atteindre 150 M€ en 2026 (multipliées par 5 vs. 2022)
Contre le gaspillage : réduction de 50% du gaspillage alimentaire en magasin à horizon 2025 (par rapport à 2016) ; 100% des déchets en magasin valorisés en 2025 ; 100% des emballages de produits à marque propre réutilisables, recyclables ou compostables d’ici 2025
Engagement à déréférencer le top 100 de ses fournisseurs d’ici 2026 s’ils ne s’alignent pas avec la trajectoire +1,5°C des accords de Paris
Employer 15 000 personnes en situation de handicap dans l’ensemble du groupe d’ici 2026 (+50% vs. 2022)
🌍 TOUT VA BIEN.
On en fait vraiment trop sur le risque climatique. Dans une note de l’AMF, qui a scruté les reportings financiers et extra-financiers de 23 entreprises cotées, les choses sont claires : toutes les entreprises analysées ont annoncé des objectifs de réduction d’émissions de GES et près de la moitié vise “la neutralité carbone” d’ici 2050.
C’est ensuite que les choses se compliquent un peu. Très peu communiquent sur la traduction opérationnelle et financière de ces engagements. Par ailleurs, si la grande majorité de l’échantillon mentionne l’impact du changement climatique sur son activité, seule une entreprise considère qu’il est significatif. Seul hic, personne n’explique comment ils sont arrivées à cette (étonnante) conclusion.
✅ LA CSRD AVANCE.
Le Parlement européen a voté en faveur de la CSRD à une très large majorité. Pas de surprise ! Cette info est surtout pour vous rappeler que sa mise en œuvre arrive… Côté législatif, le Conseil devrait voter le texte le 28 novembre, ce qui constituera la dernière étape.
La dernière fois, j’ai fait une petite erreur dans les dates d’entrée en application (merci Iris de ta vigilance), donc je les remets pour votre information :
À partir du 1er janvier 2024, pour les entreprises de plus de 500 employés, déjà soumises à la DPEF, la publication des rapports est attendue en 2025 ;
À partir du 1er janvier 2025, pour les ETI qui ne sont pas actuellement soumises à la DPEF (de plus de 250 employés et/ou 40 millions d’euros de chiffre d’affaires, et/ou 20 millions d’euros d’actifs au total), la publication des rapports est attendue en 2026 ;
À partir du 1er janvier 2026 pour les PME et autres entreprises cotées en bourse, les rapports devant être remis en 2027. Les PME peuvent choisir de ne pas participer jusqu'en 2028.
📊ANALYSE DU BAROMETRE DE PERCEPTION D’ENGAGEMENT DES ENTREPRISES (VOLET 3).
Voici le dernier volet de mon analyse du baromètre de la perception d’engagement des entreprises réalisé par L’ObSoCo pour Trusteam Finance :
Les entreprises doivent engager des transitions ambitieuses sans attendre un retour client immédiat ou évident. Ce n’est pas nouveau, mais le comportement des consommateurs évolue très peu. L’ObSoCo a établi un score d’intensité de la responsabilité dans les comportements de consommation (de -5 à +5). 64% ont des scores inférieurs à 0. C’est trois points de moins que l’an dernier.
A l’inverse, 68% et 69% des Français estiment respectivement que les entreprises ne s’impliquent pas assez dans la résolution des enjeux environnementaux, et sociaux et sociétaux. Certains jugements portés sont même assez cinglants, voire erronés dans la réalité concernant les engagements d’entreprises. La seule que les entreprises ne feraient pas trop mal concerne le respect de la confidentialité des données personnelles (pour seulement 30% des Français).
83% des Français ne peuvent pas spontanément citer une entreprise engagée. Pour les 17% restants, le top 5 des entreprises engagées citées spontanément : 1. Engie (16 mentions) ; 2. Amazon (11) ; 3. EDF (11) ; 4. Leclerc (10) ; 5. Yves Rocher (9). C’est intéressant de voir qu’une entreprise engagée pour le bien commun n’est pas forcément ce dont on parle ici ou dans nos cercles habituels.
Retrouvez les volet 1 et volet 2 de mon analyse.
🧓 LES SENIOR ENTREPRENEURS.
Dans une récente note, France Stratégie se penche sur les senior créateurs d’entreprise. Pour les amateurs d’économétrie, ce travail vous régalera. Pour les autres, quelques éléments à retenir.
Il est intéressant de noter que les senior entrepreneurs (50-64 ans) sont plus souvent que les autres d’anciens cadres ou issus d’une profession intellectuelle supérieure. Ils ont par ailleurs plus souvent connu une expérience en tant qu’indépendant ou chef d’entreprise. Ce sont très majoritairement des hommes (77%).
Il s’avère que leurs motivations ne divergent pas vraiment selon les âges. Dans le top 3, on retrouve le souhait d’être indépendant, le goût d’entreprendre et la perspective d’augmenter ses revenus. En revanche, les seniors sont moins enclins à rechercher un fort développement de l’entreprise ou à créer de l’emploi.
Globalement, la pérennité de leurs entreprises n’est pas si différente des autres populations d’entrepreneurs. Néanmoins, l’approche de la retraite est un facteur important de cessation d’activité. Il ressort également que les senior entrepreneurs sont moins dans une logique de développement de leur entreprise que les autres populations.
🧠UN PEU PLUS DE JUS DE CRANE.
Sylvie Angerand dans Le Monde explique parfaitement pourquoi planter des arbres n’est pas LA solution, et pourquoi les indicateurs de quantité ne doivent pas refléter un degré d’effort d’une entreprise.
Si on vient vous voir avec une offre de partenariat de 100 000 euros, mais que votre conscience vous titille parce que ça sent l’opération de com en greenwashing, Guillaume Jouffre, fondateur de GreenGo vous montre la voie à suivre.
Un article passionnant de Sarah Federman and Judith Schrempf-Stirling dans la MIT Sloan Management Review sur la manière dont les entreprises (avec de longues décennies d’existence) doivent apprendre à gérer leurs errements politiques et historiques du passé pour mieux penser leur avenir.
Je n’ai pas parlé de la COP27, dont on parle bien peu d’ailleurs, mais François Gemenne revient dans un thread sur Twitter sur les importants débats concernant les demandes d’abandon de l’objectif de 1,5°C.
Et je ne parlerai pas de la Coupe du monde…
Je vous ai déjà proposé un morceau de MODERAT il n’y a pas longtemps issu de leur premier album. Cette fois, c’est issu de leur nouvel album sorti en mai dernier. MORE D4TA est un bijou musical d’électro. Pour tout amateur de musique complexe et prenante, ne passez surtout pas à côté. Un parfait exemple avec “DRUM GLOW”.
Merci de votre lecture ! J’espère que le contenu vous aura plu. N’hésitez pas à appuyer sur le 💟 si c’est le cas. Cela m’encourage !
Vous pouvez également partager le contenu sur les réseaux sociaux ou auprès de collègues. Vous êtes mes meilleurs ambassadeurs !
Vous ressentez le besoin d’être accompagné pour devenir société à mission ou bien piloter votre mission ?
Si vous souhaitez bénéficier d’un accompagnement pour devenir société à mission, pour challenger votre raison d’être et vos objectifs, ou pour bien piloter le déploiement opérationnel de votre mission (en vue de votre audit par exemple), vous pouvez me contacter par réponse à cet email si vous me lisez depuis votre boîte, sinon par email si vous lisez depuis votre navigateur. Plus d’infos sur les différents parcours sur mon site.
A la semaine prochaine,
Vivien.