#103 L'ESG est mort, vive l'impact ?
Egalement: usine éphémère; climate tech; les 4 saisons version entreprise; semaine de 4 jours en Belgique; visibilité des labels; nouveaux standards B Corp; clubs à mission (lecture totale: 9 minutes)
Chère lectrice, cher lecteur,
Bienvenue dans la 103e missive ! La COP27 va s’ouvrir et l’UNEP nous explique que les programmes nationaux nous amènent à des scenarii entre +2,4°C et +2,6°C d’ici 2100. Tout va bien…
Au sommaire :
💭 L’édito : l’ESG est mort, vive l’impact ?
🏭 Le Slip Français fait vivre sa raison d’être au Salon Made in France
🍂 Un club aux quatre saisons
🌍 Un fellowship pour les entrepreneurs de la climate tech
4️⃣ La semaine de 4 jours débarque en Belgique
🔢 Les chiffres qui marquent avec le nombre de colis en France et la faible adhésion à la voiture électrique
▶️ Résultat du vote de la semaine dernière
💡 Deuxième volet de l’analyse du baromètre sur l’engagement des entreprises avec des chiffres sur les labels et la société à mission
📝 Le B Lab veut revoir ses standards et fait appel à vos lumières
🧠 Un peu plus de jus de crâne avec les clubs de sport à mission, les modèles mentaux, le décodage de cultures, les AOP sous pression climatiques.
🎧 Mon son de la semaine : Prince Waly (feat Feu! Chatterton) - Bleu
Bonne lecture à picorer ou à dévorer !
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L’ESG est mort, vive l’impact ? Un nuage de missiles sol-air lancés contre l’ESG ont attiré mon attention cette semaine .
Tout a commencé par la lecture de deux enquêtes (de Bureau of Investigative Journalism et Bloomberg) identifiées par Antoine Poincaré. Elles pointent la vacuité des Sustainability-Linked Bonds, ces obligations “vertes” qui permettent à des entreprises de se financer en contrepartie d’engagements de durabilité. Petit hic : les engagements mis en avant sont souvent déjà atteints ou manquent d’ambition. Mais ça passe quand même. C’est ESG-compatible…
J’ai enchaîné avec deux tribunes : la première de Antoine Denoix, le patron d’Axa Climate, la seconde de Nicolas Celier et Geoffroy Bragadir, co-fondateurs de la société de gestion Ring Capital. Les deux convergent. Pour Antoine Denoix :
“La doxa actuelle, celle de la RSE, de l’ESG ou de la durabilité nous emmènent collectivement dans le mur. Nous sommes incités à réduire le négatif. Alors qu’il nous faut régénérer, pour contribuer positivement à l’ensemble des cycles naturels et humains.”
Nicolas Celier et Geoffroy Bragadir abondent dans le même sens :
[L]es critères [de l’ESG] qui analysent et orientent les pratiques des sociétés sur les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance, ne mesurent pas l'efficacité d'une solution ni l'impact réel d'un modèle économique, et permettent ainsi de se déclarer “durable” à peu de frais.
Ces tribunes et enquêtes ne sont que les plus récentes attaques portées contre l’ESG depuis plusieurs mois.
L’ESG est-il vraiment le problème ?
Mais, l’ESG est juste un acronyme de trois lettres. Ce que l’industrie a fait, c’est lui donner un cadre pour formaliser les démarches, ainsi que des référentiels, des outils de pilotage et des dashboards. Bref, l’industrie a enfanté de moyens pour donner vie à l’ESG dans l’économie.
Ce qui compte vraiment, c’est l’attitude des acteurs. Souvenez-vous de la sortie de Stuart Kirk, désormais ancien directeur monde de l’investissement responsable chez HSBC Asset Management, qui estimait qu’on en faisait trop sur les risques climatiques. Un cas isolé ? (Longue pause)
On pourra modifier les cadres et les référentiels, ce sont les attitudes qui doivent changer, celle des investisseurs, des gestionnaires de fonds et des actionnaires individuels. Comme le rappelle parfaitement cet épisode d’Ideacast de la HBR qui revient sur la popularité du concept de “shareholder value”, depuis 30 ans, les marchés financiers ont fonctionné sur un principe simple et compréhensible : l’actionnaire prime et le reste passe après. Cela s’accompagne de la primauté du court terme et de la logique du plus on prend de risques, plus le rendement doit être élevé.
Changer de mentalité et de logiciel sera très difficile, car on oublie de prendre en compte l’inertie du système et le facteur humain. Le cas de BlackRock est emblématique. Chantre de l’ESG, il a viré de bord dès que l’environnement s’est fait moins propice.
Surtout, les marchés financiers aiment les systèmes bénéficiant d’une interprétation simple : le capitalisme actionnarial fonctionne parce qu’il favorise un acteur—l’actionnaire—et une temporalité prévisible à court terme ; le capitalisme des parties prenantes est plus nébuleux, parce qu’il est multi-acteurs, et s’interprète sur le temps long.
L’ESG a pris, parce qu’on pouvait créer des systèmes uniformisés où il faut cocher des cases et remplir des fichiers (je caricature à dessein). Aller vers l’impact ou l’économie régénérative est absolument nécessaire, mais diablement complexe, parce qu’il y a une part de subjectivité dans la mesure. Il ne s’agit plus d’analyser ce que l’entreprise fait, mais l’effet qu’elle produit sur la société.
On en revient au débat actuel sur la double matérialité. En France, on a tendance à publier des informations sur l’importance de cette double matérialité, mais il faut lire ses opposants. L’American Banking Association produit un excellent cas d’école avec sa récente lettre adressée à l’ISSB dirigée par Emmanuel Faber. Il faut des éléments tangibles, utiles à la décision, clairs, partagés par le plus grand nombre et envisagés sur le court terme. Bref, un moyen parfait de changer de cadre, sans changer ni les mentalités, ni réellement les pratiques, et donc pas les résultats…
🏭 AVEC PANACHE, ILS ONT DIT.
Le Slip Français a décidé de faire résonner sa raison d’être haut et fort lors du salon Made in France qui se tient du 10 au 13 novembre à Paris. Pour rappel, leur raison d’être : “Fidèle à l’esprit français d’ouverture et d’audace, la société n’a de cesse, depuis sa création, de réinventer avec panache l’industrie textile française dans ses codes et ses valeurs”.
Ainsi, ils vont recréer une usine éphémère avec 25 partenaires, 40 machines, 80 ouvrières et ouvriers. Rien que ça ! Tous les détails pour les intéressés.
🍂 VIBREZ AU RYTHME DES QUATRE SAISONS.
Maxime Barluet de Beauchesne aime penser que les saisons peuvent guider les choix d’entreprises. A cette fin, il lance une expérimentation : un club d’entreprises qui réfléchira à leur développement en s’inspirant des saisons. Idée un peu étrange pour certains, originale pour d’autres, mais qui picote la curiosité en tout cas. Il recherche des entreprises intéressées pour un lancement dans les prochaines semaines. Si vous êtes intéressés, cliquez ici pour en savoir plus.
🌍 AVIS AUX ENTREPRENEURS DE LA CLIMATE TECH.
Le fonds XAnge va consacrer 1 million d’euros pour accompagner des projets d’entreprenariat early stage liés à la climate tech, en particulier quand cela concerne le marché du crédit carbone, la biologie de synthèse, mais également l’intelligence artificielle ou la blockchain.
Le fellowship dure un an. Outre un accompagnement, pour chaque projet, XAnge investira 100 000 euros avec une prise de participation de 7%. Les candidatures sont ouvertes jusqu’au 16 décembre 2022.
Partagez vos actus
Je suis toujours à l’affût de démarches positives menées par les entreprises afin de les partager plus largement. Vous avez des exemples chez vous ou chez vos clients (quitte à anonymiser), partagez-les moi et je les relaierai dans la newsletter. Vous pouvez même me transmettre vos CP.
4️⃣ LA BELGIQUE AU REGIME.
La Belgique est la nouvelle venue dans l’arène des expérimentatrices de la semaine de 4 jours. Depuis le 1er octobre, c’est désormais une option offerte aux entreprises belges du privé (ce n’est pas applicable pour les entreprises publiques…).
Aucune réduction de temps de travail n’est envisagée (la Belgique est aux 36h), donc les entreprises volontaires ont deux options :
soit sur 4 jours de travail par semaine ;
soit sur 5 jours de travail, comportant 3 jours de travail complets et deux demi-jours de travail.
1 700 000 000. Il y a beaucoup de zéros comme le nombre de colis envoyés en 2021 selon l’Arcep. C’est une augmentation de près de 15% en un an. C’est toujours utile d’avoir la mesure des choses.
39%. C’est la proportion de Français qui soutiennent la décision de l’Union européenne “d’interdire les véhicules thermiques d’ici 2035”, selon un sondage Ipsos pour le salon Equip Auto (si c’est bien la question, ce n’est pas tout à fait juste, puisque la décision porte sur l’interdiction de vendre des véhicules neufs thermiques à partir 2035—ce n’est pas pareil). En comparaison des Allemands, des Britanniques et des Italiens, le moteur thermique tient encore bien la corde dans l’Hexagone.
▶️ LE RESULTAT DU VOTE.
La semaine dernière, je vous ai demandé si une entreprise devait prendre position publiquement et sur quels sujets. J’ai dupliqué ce sondage sur LinkedIn. Parmi les abonnés, la tendance se porte clairement sur “Oui, si c’est lié à son activité” (60%). Etonnamment, sur LinkedIn, le “Oui” (même si ce n’est pas core business) l’emporte à 52%. Un vrai réseau de militants on dirait !
💡 LA PERCEPTION DE L’ENGAGEMENT DES ENTREPRISES (volet 2).
Après quelques premiers enseignements la semaine dernière, continuons l’analyse de ce baromètre passionnant de l’ObSoCo et Trusteam :
La progression des labels : on sent une montée en connaissance progressive des labels, qu’ils portent sur des engagements sectoriels (MSC pour la pêche, GOTS pour le textile etc.) ou sur des démarches RSE (B Corp, label Lucie etc.). Depuis l’an dernier, leur connaissance a progressé : par exemple, +7 points pour GOTS (33%), +4 points pour B Corp (12%), +3 points pour le Label Nature & Progrès (15%). Cela appuie la course aux labels que j’avais pointé du doigt dans les tendances du sens de 2021.
Désormais 43% des Français connaissent plus de 5 labels proposés dans le questionnaire. A noter un important effet d’âge (c’est plus marqué chez les moins de 34 ans) et de diplômes (la moyenne est au-dessus de 5 labels connus pour les Bac+2 et plus).
La connaissance de la raison d’être et de la société à mission progresse peu. L’élan de la raison d’être s’essouffle tandis que la société à mission continue de faire son chemin. 11% des Français estiment bien connaître la raison d’être : répartitions identiques à l’an dernier.
Sur l’entreprise à mission, 8% déclarent bien savoir ce que c’est (+2 points par rapport à 2021). Surtout, on voit que les gens commencent de plus en plus à en entendre parler, sans forcément savoir ce que c’est (que ces personnes n’hésitent pas à s’abonner à La Machine à sens 😉).
Plus intéressant encore pour caractériser l’essoufflement de la raison d’être : l’effet gadget commence à se faire sentir. Il n’y a plus que 44% des Français à estimer que cela permet aux entreprises d’avoir un impact positif (-3 points en un an), contre 54% pour la société à mission (+1 point). En gros, l’effet engageant de l’entreprise à mission offrirait plus de gage de crédibilité. Ces chiffres agrégés cachent des réalités très apparentes quand on regarde les sous-populations.
📝 VERS DE NOUVEAUX STANDARDS B CORP.
Le B Lab souhaite modifier ses standards pour obtenir la labellisation. Aujourd’hui, il faut cumuler 80 points minimum pour obtenir le label toutes catégories confondues. Demain, ce système serait remplacé : les candidates devraient répondre à un certain nombre de critères dans 10 catégories définies. La recertification se ferait sur la base des progrès réalisés en lien avec des feuilles de route définies.
Pour découvrir un premier draft du système envisagé, c’est par ici. D’ici au 15 novembre, B Lab continue ses consultations. Que vous soyez déjà labellisés ou pas, vous pouvez y participer.
🧠 UN PEU PLUS DE JUS DE CRANE.
Le “greenhushing”, vous connaissez ? C’est l’inverse du greenwashing : il s’agit de faire beaucoup, mais de ne pas communiquer dessus. Et c’est tout aussi problématique que le greenwashing.
Club à mission, la voie royale ? C’est l’objet d’une enquête très intéressante (€) d’Ecofoot. Aujourd’hui, on compte (à ma connaissance) trois clubs de sport : un dans le foot, un dans le rugby et un dans le basket. Et même pour ceux qui ont un statut associatif, il y a des choses à faire.
La newsletter Harmony Inside lance “Culture Décodée” avec un décryptage mensuel de la culture d’une entreprise. Premier cas : Spotify.
Pour Philippe Silberzahn, il faut travailler les modèles mentaux des organisations pour mieux préparer les entreprises aux surprises prévisibles.
Le réchauffement climatique impacte les AOP, explique un article dans Les Echos. En cause la plupart du temps les vagues de sécheresse. La conséquence : un assouplissement du cahiers des charges sur certaines appellations.
Jamais je n’aurais imaginé un duo entre Feu! Chatterton et un rappeur. Et pourtant, c’est le cas avec Prince Waly. D’ailleurs, c’est plutôt dans l’autre sens, car il a invité pas mal d’artistes sur son dernier album. Porté par une musique lancinante et des textes tristes, ce morceau porte un regard cru sur une réalité morne. A écouter absolument !
Merci de votre lecture ! J’espère que le contenu vous aura plu. N’hésitez pas à appuyer sur le 💟 si c’est le cas.
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Vous ressentez le besoin d’être accompagné pour devenir société à mission ou bien piloter votre mission ?
Si vous souhaitez bénéficier d’un accompagnement pour devenir société à mission, pour challenger votre raison d’être et vos objectifs, ou pour bien piloter le déploiement opérationnel de votre mission (en vue de votre audit par exemple), vous pouvez me contacter par réponse à cet email si vous me lisez depuis votre boîte, sinon par email si vous lisez depuis votre navigateur. Plus d’infos sur les différents parcours sur mon site.
A la semaine prochaine,
Vivien.