#10 Qui veut participer à une grande consultation européenne sur les transformations de l'entreprise ?
Au sommaire : tous à vos propositions, le B Lab courtise les grands groupes, Pascal Demurger toujours impressionnant, the business of business is still only business? etc.
Bonjour, bienvenue dans cette dixième missive de La Machine à sens, déjà ! Je suis preneur de vos premiers retours sur ces premiers épisodes : que pensez-vous de cette newsletter ? Le contenu est-il intéressant, utile ? Est-ce trop long, trop court ? Qu’attendriez-vous d’autres ? Comment utilisez-vous cette newsletter (source d’inspirations, veille, autres) ? C’est très important pour moi. Et également, n’hésitez pas à parler de cette newsletter à vos collègues ou dans vos réseaux. Plus on est à échanger et partager, plus on se nourrit !
Au programme cette semaine :
Une consultation publique sur l’entreprise de demain qui semble aller comme un gant à cette newsletter !
Le B Lab cherche à séduire les grands groupes avec le lancement d’une nouvelle initiative
Un entretien indispensable de Pascal Demurger
La force des labels passe aussi par la communication : B Corp : 1 / Entreprise à mission : peut mieux faire
Milton Friedman, 50 ans après : in or out ?
Du côté des entreprises
NextGen Entreprise Summit vient de lancer une consultation sur la nécessaire transformation des entreprises pour repenser le rôle de l’entreprise dans la société et réinterroger nos systèmes de gouvernance. Autant dire que cela s’annonce passionnant ! Elle se déroule en deux grandes étapes. Les organisateurs ont récolté les avis de 50 dirigeants de tailles différentes (Renault, FAVI, Simplon, Danone, Pfizer, Octo…) que vous pouvez trouver sur le site. Jusqu’au 23 octobre, nous pourrons voter sur les propositions et formuler les nôtres. Cela viendra nourrir le “Baromètre des attentes citoyennes pour l’entreprise de demain” qui sera présenté à la conférence le 26 novembre. Pour participer, ça se passe ici.
Enchaînons avec cette brillante interview de Pascal Demurger, le DG de la MAIF pour le blog Entreprise contributive. Il parle de management, d'environnement, de transformation, de digital, du rôle du dirigeant, de gouvernance, de marque employeur, de QVT, d'engagement... Quelques extraits choisis de ce long entretien :
Le management, pour moi, est le point de départ. C’est la base sur laquelle on peut tout construire. J’ose un parallèle entre l’entreprise et le pays. La cohésion sociale, cela n’échappe à personne, est le sujet de préoccupation numéro 1 des français. Rien n’a de sens si l’on ne commence pas par la cohésion sociale, tout comme rien n’a de sens sans bien être dans la Cité ou épanouissement dans l’entreprise. On ne peut rien faire d’autre si l’on n’a pas ce socle de cohésion.
[…] J’ai pris un jour conscience–qu’en tant que dirigeant, on a un impact sur le bonheur des gens, leur équilibre et leur bien-être – car évidemment ce qu’ils vivent au travail rejaillit sur leur vie privée. Et lorsque l’on prend conscience de cela, on ne peut pas se permettre de négliger ce paramètre, ni faire comme si de rien n’était. Pour moi cette révélation a été une forme de choc.
[…] Ma conviction : aujourd’hui il y a une attente sociale à l’égard de l’entreprise qui est croissante et tellement forte que l’entreprise n’a pas d’autre choix, à terme, que de s’engager. Il y a également une attente du côté des collaborateurs et futurs collaborateurs. Or on ne peut pas avoir une marque employeur digne de ce nom si l’on a un management traditionnel.
[…] Un patron qui s’exprime sur ces sujets répond à une double attente, celle de la transformation environnementale et sociale, mais aussi celle du profit. Mais force est de constater qu’il est rare qu’une seule et même personne incarne ces deux types de sujets à la fois. Les sujets de l’environnement et de la cohésion sociale sont rarement portés par des femmes et des hommes d’affaires que l’on pourrait juger performants ou qui inspireraient confiance en tant que gestionnaire rigoureux. Donc forcément, un patron qui aurait à la fois une démarche sincère et qui en plus aurait du succès, pourrait être audible et percutant.
Depuis que j’ai commencé cette newsletter, je lis beaucoup de communiqués de presse, de tweets, bref de documentations institutionnelles, et je remarque que B Lab est très fort pour inciter les entreprises labellisées à communiquer en externe. On retrouve évidemment des éléments de langage communs : définition de ce qu’est une B Corp, le trio “people, planet, profit”, le côté exclusif et encore pionnier de faire partie d’une communauté de moins de 4000 entreprises dans le monde etc. On retrouve également un aspect presque prosélyte des entreprises B Corp (je vous parlais de Fifth Wall il y a quelques semaines, et plus bas vous verrez l’exemple de Good Goût). Et enfin, il y a beaucoup de communications sur les transformations des entreprises engendrées par le processus de labellisation et une fois la certification obtenue : l’exemple de NEO Cremations évoqué il y a quelques semaines, Bank Australia dont je vous parlais également a réitéré avec un très bon papier de sa directrice de la stratégie, et également Adam Smith International qui vient de célébrer le premier anniversaire de sa certification.
Today, we’re celebrating our first anniversary as a certified #BCorp. Watch the video below to learn more about B Corps and what we’ve been up to in our first year as one or read our CEO’s message here: bit.ly/3kp5Atf @BCorpUKCela peut en partie expliquer l’engouement que l’on voit sur le label B Corp.
Pour le moment, je ne vois en revanche pas de stratégie de communication claire pour le statut de société à mission. Cela s’explique en grande partie par le fait qu’il n’y a pas d’organisation dédiée derrière ce statut comme B Lab derrière B Corp. Toutefois, la Communauté des entreprises à mission a un rôle à jouer pour que toute nouvelle entreprise à mission sache comment bien communiquer, pour potentiellement apporter un soutien technique et assurer le rayonnement de ces campagnes de communication etc. Je suis convaincu que l’effet d’entraînement collectif sera fondamental pour encourager plus d’entreprises dans cette direction.
Le B Lab justement lance une nouvelle initiative destinée aux grands groupes cotés, le B Movement Builders. J’évoquais il y a quelques semaines le souci que le label B Corp posait pour des grandes entreprises : cela prend énormément de temps et de ressources de faire certifier toutes les entités et filiales d’un groupe. D’où le nombre très faible de grands groupes certifiés aujourd’hui. Cette nouvelle initiative doit répondre à cette faille en proposant un parcours plus allégé mais guidé par la même philosophie à des entreprises cotées réalisant au moins un milliard d’euros de chiffres d’affaires.
Excited to announce B Lab has launched B Movement Builders - a coalition of leading publicly-traded multinationals taking meaningful action toward changing our global economic system. Welcome @Bonduelle_Group @gerdau @Givaudan @magazineluiza! Learn more: bcorporation.net/b-movement-bui…Quatre entreprises fondatrices ont déjà rejoint le mouvement, à savoir Bonduelle (France), Gerdau (Brésil), Givaudan (Suisse) et Magalu (Brésil). Danone et Natura sont mentors du programme, ayant déjà converti plus de 30% de leur structure en certification B Corp. Les grands groupes rejoignant ce programme doivent d’abord passer une risk review pour vérifier qu’ils ne mènent aucune activité qui serait en opposition aux principes du B Movement. Il n’y a pas de certification à la clé, mais un certain nombre d’engagements, certains de principes, d’autres formels, comme la publication d’un rapport d’impact annuel et l’ambition concrète de répondre à au moins trois objectifs du développement durable (ODD).
Christopher Marquis, qui a sorti son ouvrage sur les B Corps cette semaine, interroge Marcello Palazzi, co-fondateur de B Lab Europe, et Francine Lemos, directrice exécutive de Sistem B Brazil, qui reviennent justement sur cette initiative et également sur le fait que les capitalismes européen et latino-américain sont plus propices à ce nouveau mouvement que le capitalisme américain.
ESII, PME spécialisée dans la gestion de l’accueil de public, vient de devenir société à mission… en tout cas, c’est ce que je croyais en voyant le titre de l’article : “ESII devient une entreprise à mission”. Je m’en réjouissais sans être étonné. J’ai eu l’occasion d’échanger avec son président l’an dernier. L’entreprise a tout pour se diriger dans cette voie. Mais, en fait, le titre est un abus de langage, je crois. Cela n’enlève rien à l’aspect inspirationnel des activités d’ESII, qui, je n’ai aucun doute, deviendra société à mission à terme.
Good Goût, entreprise de nutrition infantile, vient d’être certifiée B Corp. Elle rejoint Blédina certifiée l’an dernier. Cette démarche s’inscrit dans une logique plus large de l’entreprise qui n’a pas peur de revendiquer un statut d’entreprise militante. Sa DG Pascale Laborde explique les raisons de ce choix et liste les défis que l’entreprise s’est fixée pour assurer un impact positif.
Du côté des idées
Vous savez que quelque chose est “cool” quand on commence à faire des listes dessus : deux dirigeantes canadiennes partagent leurs 12 bonnes pratiques pour obtenir la certification B Corp.
Je vous parlais du lancement de l’Impact Score par le collectif Nous Sommes Demain. Il est désormais en ligne en version bêta. Il est destiné aux PME et aux grands groupes (je n’ai pas vérifié comment ils arrivaient à faire ce grand écart…) et évalue quatre impacts : le partage du pouvoir, le partage des richesses, l’impact social, l’impact écologique. C’est gratuit et confidentiel.
Cet article de trois universitaires américains prend deux points de départ : les 50 ans de la déclaration de Milton Friedman, “the business of business is business”, et le premier anniversaire de la déclaration de la Business Roundtable, sorte de Medef américain, s’engageant à prendre en compte l’intérêt de toutes les parties prenantes, pas juste les actionnaires. Pour les auteurs, le constat est clair : le capitalisme actionnarial reste ultra dominateur aux Etats-Unis. Ils proposent un truc un peu fou pour nos amis outre-atlantiques : imposer des changements sur la conduite des entreprises par la loi… Pour eux, il faudrait que le statut de benefit corporation devienne la norme. Autant dire que l’article vaut le coup d’être lu, mais qu’il a peu de chance d’être suivi d’action.
Nous avons la société à mission. Les Etats-Unis ont le statut de benefit corporation. Et non, ce n’est pas pareil que B Corp. Un éclairage dans cet article.
C’est tout pour cette semaine. Vos likes, partages et commentaires sont très appréciés. Donc n’hésitez surtout pas !
A vendredi prochain,
Vivien.