#122 Faut-il vraiment en finir avec les raisons d'être ?
Suite d'un débat; expo futuriste, PwC et la nature; les ODD à mi-parcours etc.
Chère lectrice, cher lecteur,
Cette semaine, ce sera une version concentrée de la newsletter, en plus en décalé.
Avant de commencer, je vous partage une discussion que j’ai lancée sur LinkedIn à propos de ma recherche d’ouvrages sur l’histoire du PIB. Je viens de terminer Ralentir ou périr de Thimothée Parrique (recension la semaine prochaine) et j’aimerais creuser cette histoire fascinante du PIB. Si vous avez des bons conseils ou êtes intéressés par le sujet, allez faire un tour sur le post. Il y a de très bonnes suggestions d’ouvrages, de vidéos, d’articles et de podcasts.
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Vous êtes probablement nombreux à avoir vu passer la tribune de Philippe Lentschener dans Les Echos. Le titre a beaucoup fait réagir “En finir avec la raison d’être”. L’opinion est sans détour : “Avec une facilité déconcertante, les entreprises se sont oubliées dans une pratique mimétique ridicule”.
Son propos est qu’une raison d’être “ne construit aucune souveraineté stratégique”. Bref, passons ce point, car le cheminement intellectuel est trop subtil pour moi.
Si je comprends bien, il estime qu’une raison d’être seule n’est pas très utile ; il faut qu’elle permette d’agir.
Je le rejoins sur ce point et partiellement sur les raisons d’être. Je souligne fréquemment les inconvénients de raisons d’être trop générales dans mes décryptages de mission.
Il est en tout cas certain qu’une raison d’être qui n’est pas opérationnalisée est une coquille vide et ne sert finalement pas à grand chose. Il est assez rare, de mon expérience, qu’une raison d’être sans déclinaison serve de boussole stratégique. Elle peut servir l’instance dirigeante, mais elle a peu d’utilité pour les équipes. D’où un travail incomplet et peu utile.
C’est là que la société à mission prend tout son sens avec les objectifs statutaires, la supervision par un comité de mission et la vérification par un Organisme Tiers Indépendant. C’est plus engageant et surtout plus structurant. Le lien avec l’activité doit être bien réelle sous peine de subir un audit défavorable.
Quand bien même une entreprise décide de “s’arrêter” à la raison d’être statutaire (la seule qui vaille vraiment quelque chose à mes yeux dans le monde post-loi Pacte), je tiens toujours le même discours : structurez-vous comme une entreprise à mission avec une déclinaison opérationnelle et un comité de parties prenantes. Sinon, ne faites pas le travail ; il restera lettre morte.
🌿PwC se met à la biodiversité
PwC a annoncé accélérer ses efforts pour développer des offres de conseil liées à la biodiversité. Cela se traduit par la création du Centre for Nature Positive Business, la formation de tous ses collaborateurs à ses enjeux et le recrutement de 500 spécialistes thématiques—avec une cible à 1000. Cela participe de l’effort du cabinet de se positionner en leader sur les enjeux de RSE.
Au-delà de cette annonce assez modeste (500 sur 328000, on ne peut pas dire que cela va devenir core business…), ce positionnement montre une évolution à venir. Pour une entreprise aussi tournée sur la data et les indicateurs quanti, la biodiversité est un terrain miné. Si les enjeux de carbone ont leurs indicateurs plutôt bien mesurables (le Scope 3 restant toujours difficile à bien appréhender), les enjeux de biodiversité ne font pas l’objet de consensus.
Mais, le fait que PwC veuille développer une offre sur le sujet montre qu’un intérêt des entreprises existe en plus d’une réglementation qui va se cristalliser dans les années à venir. En cela, c’est un développement positif et qu’il faut anticiper.
❓ Faut-il avoir un business case pour agir de manière vertueuse ?
There is no market for virtue. Businesses and their investors require a compelling business case to meaningfully integrate the value of sustainability into business decision-making.
Zooming out to the long-term lens, the business case for embracing sustainable operational practices is clear: Enterprises can’t thrive on a depleted planet populated by societies destabilized by the "threat multiplier" that is climate change. But here in the zoomed-in present, the business case for sustainability isn’t as black-and-white as narratives such as "doing well by doing good" assert.
Le début de cet édito dans GreenBiz m’a interpellé. Il fait écho à un trait qui différencie la France des Etats-Unis. Laure Bereni le relevait sur la question de la diversité dans son ouvrage que j’ai recensé il y a deux semaines, mais cela peut très bien s’appliquer à la RSE.
Aux Etats-Unis, s’il n’y a pas de “business case”, il n’y a pas d’action. De manière schématique, la très grande majorité des entreprises ne mènera pas d’action extra-financière, ou le super strict minimum, si ça n’augmente pas les marges, la fidélisation des collaborateurs, la productivité ou l’image de l’entreprise. C’est encore plus fort dans les entreprises cotées. Il faut que cela ait un impact positif quantifiable sur l’entreprise, et encore mieux sur le chiffre d’affaires.
En France, cette notion de continuellement chercher l’impact économique positif et la mesure est moins centrale. On le voit sur les sujets de RSE ou d’impact.
Il y a beaucoup moins d’études pour essayer de calculer si une politique RSE n’entame pas trop les marges des entreprises. Nous autres consultants sommes les premiers à utiliser ces chiffres, mais beaucoup de sociétés que je côtoie, dans le non coté du moins, mènent ces actions de responsabilité d’entreprise par choix avant tout sans forcément attendre un ROI, plutôt que par opportunisme commercial ou marketing. Il n’y a pas de jugement de valeur dans cette phrase, simplement un constat que je formule.
😓A mi-parcours de l’agenda 2030 des ODD, nous n’y sommes pas
Un nouveau rapport de l’ONU pointe du doigt que nous sommes loin d’être en bonne voie pour respecter les Objectifs de Développement Durable fixés pour 2030. Lancés en 2015, ils couvrent 17 champs très variés, qui sont tous fondamentaux pour un monde habitable pour tous et des vies où chacun peut s’épanouir.
Malheureusement, à mi-parcours, le constat est assez clair comme l’indique le graphique…
L’objectif le mieux enclencher concerne la consommation responsable (Objectif 12). Les 14 (la vie sous-marine) et 15 (la nature et la biodiversité) indiquent de bons progrès, mais encore plus stagnation ou de régression… En prime, beaucoup de données sont manquantes, ce qui rend le travail d’analyse d’autant plus difficile. Et généralement, l’absence de données indique rarement de bonnes nouvelles.
🎨Une exposition du futur de la Grande-Bretagne
WWF a décidé de proposer une exposition originale en ligne : s’appuyer sur l’intelligence artificielle pour peindre des paysages et des scènes de la Grande Bretagne à l’avenir. Le tout dans la veine de Turner. Au programme : feux de forêt, agriculture intensive, pollution, famine… Bref, peu de réjouissances.
C’est normal, c’est un moyen d’interpeller sur les dérives vers lesquelles on se dirige si on ne change pas.
Mais, l’expo finit sur des peintures plus colorées et positives pour montrer que ce futur n’est pas défini et que par nos actions, nous pouvons avoir un impact.
J’adore Interpol depuis toujours (une bonne vingtaine d’années). “Obstacle 1” est probablement un des meilleurs morceaux des années 2000 tous styles confondus. Le groupe vient de sortir un nouveau single très différent de ce qu’ils peuvent produire habituellement, une sorte de chill rock. Très plaisant !
C’est terminé pour cette semaine. Si cette missive vous a plu, je vous invite à appuyer sur le ❤️. Cela m’encourage !
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A jeudi,
Vivien.